Dossier thématique

Trier et composter les biodéchets

Les déchets organiques (restes alimentaires, déchets de cuisine, déchets verts…) représentent encore un tiers de nos poubelles résiduelles. Levier majeur pour réduire à la source nos déchets, leur tri à la source deviendra obligatoire pour toutes et tous, professionnels, collectivités locales et citoyen·nes en décembre 2023.

Permettre le retour à la terre des biodéchets

Les déchets organiques (ou biodéchets), entièrement biodégradables et compostables, représentent un apport utile pour nourrir les sols, à la base même du cycle naturel. A l’heure actuelle, toutefois, ces biodéchets restent très souvent mélangés aux déchets résiduels non triés (poubelle “grise”). En France, la poubelle résiduelle des ménages contient ainsi un tiers de déchets putrescibles (principalement alimentaires : restes, épluchures…), soit environ 85 kg / an / habitant[1]. En mélange avec d’autres ordures résiduelles, les déchets se polluent mutuellement : en décharge, il faudra capter et dépolluer les jus issus de cette décomposition en mélange, ainsi que les gaz produits par la fermentation des matières organiques ; et en incinération, il s’agira de brûler des déchets organiques essentiellement composés d’eau, pour une efficacité énergétique qui sera donc très faible.

Comme pour les autres types de déchets, la priorité numéro 1 reste bien sûr la lutte contre le gaspillage alimentaire, pour s’assurer que ne terminent à la poubelle que les biodéchets n’ayant pas pu être évités (épluchures, marc de café…), et non des denrées alimentaires non consommées.

Et le gaspillage alimentaire ?

Au total, près de 10 millions de tonnes de nourriture consommable sont gaspillées chaque année en France, soit 150 kg / an et / habitant selon l’Ademe. Des mesures nationales s’appliquent à la chaîne de production et de distribution alimentaire (en ciblant notamment les acteurs de la grande distribution et les magasins de plus de 400 m carrés, qui doivent depuis 2016 donner leurs invendus alimentaires et non plus les jeter). Parmi les ordures résiduelles produites par les ménages, on comptabilise encore 29 kg / an / habitant de gaspillage alimentaire (qui font partie des 85 kg / an / habitant de biodéchets à sortir de cette poubelle résiduelle).

Pour assurer le retour à la terre des biodéchets n’ayant pas pu être évités, une étape est centrale : leur tri à la source, c’est-à-dire avant mélange, au moment et à l’endroit où ils sont produits. La réglementation européenne, ainsi que la loi anti-gaspillage de 2020 qui en découle, rendent obligatoire la gestion séparée des biodéchets d’ici le 31 décembre 2023. A cette date, l’ensemble des biodéchets, produits par les professionnel.les et les ménages, devront être triés à la source.

Qu’en est-il des déchets verts ?

En 2013, les déchets verts (ou déchets de jardin) produits par les ménages et par les collectivités représentaient 7 millions de tonnes, soit un peu plus de 105 kg / an / habitant selon l’Ademe. En majorité déjà triés à la source (via des collectes en porte à porte ou des apports en déchèterie), les déchets verts retournent en grande partie au sol. On en retrouve toutefois encore dans la poubelle résiduelle (1,2 million de tonnes en 2013). L’enjeu pour les collectivités est à la fois de capter ces déchets verts restants, et de réduire la production elle-même de ces déchets verts : composés à 60% de tonte de pelouse (une estimation du Réseau Compost citoyen), ils pourraient directement et simplement nourrir les sols dans les jardins des particuliers. De plus en plus de collectivités sensibilisent et forment leurs habitant·es à la gestion de proximité de ces déchets verts, ou proposent des outils (broyeuse…) pour permettre cette gestion directe.

Compostage de proximité et collecte séparée

Pour trier à la source les biodéchets, plusieurs solutions existent. Complémentaires sur un même territoire, car s’adressant à des publics vivant dans des milieux différents (urbain, périurbain, rural…), elles permettent de capter la majeure partie des biodéchets produits par les ménages.

Le compostage de proximité

Il s’agit d’inciter les habitant·es à composter eux-mêmes leurs biodéchets, de façon domestique (en habitat rural ou zone pavillonnaire) ou collective (en habitat urbain). Pour généraliser le compostage de proximité sur un territoire, il est indispensable d’aller au-delà de la seule distribution de composteurs par la collectivité. Il s’agit d’élaborer un véritable plan de gestion de la matière organique et d’y consacrer des moyens : sensibilisation des habitant·es, réalisation du suivi des composteurs collectifs par des maîtres composteurs employés par la collectivité, installation de chalets de compostage pouvant accueillir de plus gros volumes… Le Réseau Compost Citoyen estime que le compostage de proximité de type collectif revient en moyenne à 9,5€ / an / habitant à la collectivité, coûts compensés par la baisse du volume d’ordures ménagères résiduelles à collecter et à traiter. Pour aller plus loin : plus de ressources sur le site internet du Réseau Compost Citoyen.

A lire aussi : le retour d’expérience de la province de Pontevedra (Espagne) qui a développé à grande échelle le compostage de proximité pour trier à la source ses biodéchets.

La collecte séparée des biodéchets

Pour compléter ces dispositifs de compostage in situ, il est souvent nécessaire (notamment en milieu urbain) de mettre en place une collecte séparée, fonctionnant en porte à porte et/ou en points d’apport volontaire. Il s’agit de permettre aux habitant·es de trier chez eux les biodéchets, dans un bioseau (bac de la taille d’une petite poubelle) et de les présenter à la collecte ou au point d’apport volontaire. Une étude de l’Ademe menée auprès des collectivités françaises ayant mis en place cette collecte montre qu’elle permet de sortir 63 kg / an / habitant de déchets organiques des ordures résiduelles. Le tri des biodéchets aurait également tendance à provoquer un effet d’entraînement, en améliorant le tri des déchets recyclables notamment. La mise en place d’une collecte séparée nécessite à la collectivité des investissements de départ (matériel, points d’apport volontaire, camions, communication…) et représente un coût de fonctionnement sur la durée d’environ 21€ / an / habitant selon l’Ademe. Ces coûts peuvent en partie être compensés par la baisse des ordures ménagères à traiter, et la baisse aussi de leur fréquence de collecte. Pour en savoir plus, le site de Compost plus, le réseau des collectivités ayant mis en place une collecte séparée des biodéchets.

L’enjeu du tri à la source des biodéchets des professionnels

Les ménages ne sont pas les seuls à produire des biodéchets : les acteurs de la restauration, privés ou publics (restauration collective par exemple), ou encore les commerces de bouche, les professionnels présents sur les marchés, sont aussi de grands producteurs de biodéchets.

Depuis 2016, les restaurants publics ou privés (restauration collective incluse) produisant plus de 10 tonnes de biodéchets par an sont dans l’obligation de les trier et de les valoriser. Le 1er janvier 2023, ce seuil passe à 5 tonnes de biodéchets par an, et le 31 décembre 2023, l’ensemble des producteurs de biodéchets seront concernés par le tri à la source. Pour trier ces biodéchets, il existe plusieurs solutions pour les restaurateurs, selon les territoires :

  • une collecte séparée gérée par la collectivité : certaines collectivités locales ayant mis en place une collecte séparée des biodéchets à destination des ménages l’ont aussi ouverte aux professionnels (notamment petits commerces et petits restaurants).
  • une collecte séparée par un prestataire privé : pour la majorité des gros producteurs de déchets, les différents flux (papier, carton, plastique…) ne peuvent pas être collectés par le service local géré par la collectivité, pour des questions de volumes produits, et le sont déjà par des prestataires privés. Il en est de même pour les biodéchets produits par une majorité des professionnels de la restauration, qui doivent passer par un prestataire privé, chargé de la collecte (par camions ou à vélo, parfois) et du traitement des biodéchets collectés.
  • une gestion directe sur site : certains prestataires privés vont proposer des solutions de gestion in situ des biodéchets, si les quantités et le site lui-même (place disponible) le permettent. Il va la plupart du temps s’agir d’un composteur ou d’un composteur électromécanique.

En termes de ressources, plusieurs guides de l’Ademe existent pour accompagner les gros producteurs de déchets à généraliser ces pratiques, et agir également sur la réduction du gaspillage alimentaire en restauration collective.

Valoriser les biodéchets

Les biodéchets gérés en compostage de proximité sont compostés directement sur place. Pour le compostage collectif, il est nécessaire pour la collectivité d’assurer un suivi des différents sites, d’assurer l’apport de matière sèche et de prévoir l’évacuation du compost produit (distribution directe aux habitant·es, utilisation pour les espaces verts locaux, contribution à la relocalisation de la production alimentaire…).

Pour les biodéchets collectés séparément, il convient de prévoir leur orientation soit vers une plateforme de compostage (c’est le cas pour 70% des collectivités qui collectent séparément les biodéchets en 2018), soit vers une installation de méthanisation (qui produit à la fois de l’énergie et du digestat destiné aux sols), ou les deux. Au niveau local, l’arbitrage entre ces deux solutions dépend des spécificités du territoire (proximité ou non de réseaux de gaz sur lesquels se raccorder), ainsi que des déchets organiques produits localement (présence parfois de déchets agricoles, lisiers ou encore huiles alimentaires, qui ne peuvent pas être valorisés sous forme de compostage). Zero Waste France insiste sur le fait de privilégier si possible les méthodes de traitement des biodéchets les plus locales et les plus vertueuses (gestion de proximité ou plateforme de compostage) afin de réduire les risques industriels liés à certains types d’installations.

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