04 septembre 2023
Pauline Debrabandere

Tri à la source des biodéchets : stop aux confusions !

A l’approche de l’obligation de tri à la source des biodéchets, on lit tout et son contraire dans la presse : les citoyen·nes devraient obligatoirement faire leur compost chez eux, s’équiper de poubelles dédiées… Zero Waste France revient sur ces discours erronés, qui rendent la loi incompréhensible aux yeux des citoyen·nes.

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Non, le compostage ne va pas être obligatoire

La loi qui entre en vigueur au 1er janvier 2024 rend obligatoire le “tri à la source” des biodéchets, c’est-à-dire leur tri pour éviter qu’ils ne finissent dans la poubelle d’ordures ménagères résiduelles (OMR). Le compostage ne devient pas en lui-même obligatoire, même s’il fait partie des solutions possibles pour gérer séparément les biodéchets.

Un tiers de nos poubelles d’ordures ménagères est en effet encore composé de biodéchets (32,8% des OMR précisément, selon l’Ademe) : il s’agit de trier ces déchets putrescibles, composés en majorité d’eau, afin d’éviter leur incinération ou leur mise en décharge. Comme pour les emballages, qui ont leur propre poubelle (au couvercle jaune), les biodéchets devront donc être séparés des OMR pour permettre leur valorisation organique et leur retour à la terre, agricole ou de jardin.

Biodéchets, de quoi parle-t-on ? 

Les biodéchets sont des déchets organiques : il s’agit à la fois des déchets de jardin (dits déchets verts) et des déchets alimentaires (restes de repas, épluchures…). Le tri des déchets verts existe déjà dans de nombreux territoires, notamment ruraux, via une collecte dédiée ou des apports en déchetterie. Il s’agit donc aujourd’hui de sortir les biodéchets restants de la poubelle d’ordures ménagères, et ce sont principalement des déchets alimentaires. Voilà pourquoi un grand nombre de collectivités communiquent uniquement sur la mise en place du tri des déchets alimentaires.

Pourquoi un tri dit “à la source” ? Car il existe également un tri après mélange de tous les déchets confondus (plastiques, papiers-cartons, biodéchets, OMR…) réalisé par des usines de tri mécano-biologiques (TMB). Créées dans les années 2000, ces usines visaient à faciliter le tri, fait a posteriori. Une idée séduisante et des équipements coûteux, avec des retours de terrain très peu concluants : performances laissant à désirer (compost inutilisable car pollué de micro plastiques), casse prématurée, incendie industriel… Face à cet échec, technique car revenant à continuer à envoyer en décharge une grande majorité des déchets reçus, et financier, la loi de transition énergétique du 17 août 2015 a qualifié ces installations de « non-pertinentes », dans le contexte où en 2024, les déchets organiques devaient être gérés séparément.

Différentes solutions pour trier à la source les biodéchets

Contrairement à ce qu’on peut parfois lire dans la presse, le compostage chez soi n’est pas la seule solution pour trier à la source les biodéchets et permettre leur retour à la terre.

Différentes solutions existent :

  • La collecte séparée en porte-à-porte, avec un bac supplémentaire distribué aux citoyen·nes (au couvercle marron, orange ou encore mauve selon les territoires). Les biodéchets sont collectés par camion et envoyés vers un site de traitement  (plateforme de compostage ou méthaniseur) pour permettre leur retour à la terre. C’est la solution qui permet de sortir un maximum de biodéchets de la poubelle d’ordures ménagères, car elle équipe tous les ménages.
  • Les points d’apport volontaire : il s’agit d’apporter ses biodéchets, à l’aide d’un bioseau, jusqu’à une borne dédiée, généralement située à une centaine de mètres de son habitation. Le fonctionnement est le même que pour les points d’apport volontaire dédiés au verre ou aux déchets recyclables : les biodéchets apportés jusqu’à cette borne sont ensuite collectés par camion et envoyés vers un site de traitement.
  • Le compostage de proximité, qui consiste à créer ou à participer à un composteur partagé dans un quartier ou autour d’un jardin partagé. Il s’agit de compostage directement sur site pour alimenter en compost un jardin partagé ou parfois les espaces verts locaux.
  • Le compostage individuel : il s’agit de composter chez soi, avec un composteur de jardin, un lombricomposteur ou un bokashi, afin de pouvoir réutiliser le compost produit pour son jardin ou ses plantes d’intérieur.

Ces solutions peuvent co-exister sur un même territoire, et il est possible de composter dans son jardin tout en bénéficiant d’une collecte séparée. Selon les périodes (été, hiver) et les besoins en compost dans son jardin, les habitant·es peuvent participer aux deux modes de tri à la source. Zero Waste France insiste sur la complémentarité entre toutes ces solutions, et sur l’intérêt de composter au plus près possible du lieu de production des biodéchets. Le compostage individuel n’est toutefois pas toujours suffisant pour sortir un maximum de biodéchets de la poubelle, car il ne correspond pas à toutes les formes d’habitat (notamment collectif). Les collectivités locales doivent donc proposer également d’autres solutions à leurs habitant·es.

Point d’apport volontaire de biodéchets à Brest (crédits Pauline Debrabandere)

Le rôle des collectivités locales

Car oui, c’est aux collectivités locales et non aux citoyen·nes que s’applique l’obligation : en tant que responsables du service public de gestion des déchets, elles doivent fournir à tous leurs citoyen·nes une solution de tri à la source de ces biodéchets. Ce n’est donc pas aux citoyen·nes d’acheter eux-mêmes leur composteur de jardin ou leur bioseau, mais à leur intercommunalité de leur proposer une solution de tri.

De quelles collectivités parle-t-on ? 

Les collectivités locales en charge de la gestion des déchets et donc de leur réduction sont les intercommunalités : communautés de communes, d’agglomération, métropoles… Ce sont les élu·es de ces intercommunalités qui prennent les décisions relatives au tri à la source des biodéchets.

Si de plus en plus de collectivités locales enclenchent les démarches, elles sont encore trop nombreuses à afficher un retard préoccupant dans le déploiement du tri à la source des biodéchets. De nombreuses collectivités locales n’en sont qu’au stade de l’expérimentation, alors que l’obligation de tri à la source s’applique le 1er janvier prochain. Selon l’Ademe, seule 6,2% de la population était couverte en 2019 par une collecte séparée des biodéchets (réalisée ou en projet). Si davantage de collectivités soutiennent des actions de compostage de proximité, ces actions desservent rarement plus de 38% de la population, même dans les collectivités les plus ambitieuses.

Zero Waste France et ses groupes locaux interpellent et forment les collectivités locales pour mettre en place rapidement des solutions de tri à la source des biodéchets, et dédier des budgets ambitieux afin que ce tri à la source soit effectif.

Vous aussi, demandez le tri à la source à vos élu·es locaux !

En tant que citoyen.nes, nous sommes toutes et tous légitimes pour interpeller nos élu·es locaux, qui sont nos représentant·es direct·es. Vous aussi, contactez vos élu·es pour leur demander où en est le bon respect de l’obligation et la mise en oeuvre de solutions ! Rejoignez un groupe local Zero Waste pour mener des actions collectives en direction de votre collectivité, ou contactez directement vos élu·es pour leur rappeler la date du 1er janvier 2024 et leur demander quelles sont les actions prévues pour respecter cette obligation.

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