Qu’attendre du futur règlement européen sur les emballages ?
Le règlement européen sur les emballages en discussion au niveau européen représente une opportunité majeure pour la transition des systèmes d'emballage, à un moment où il est crucial de réduire drastiquement les émissions, la pollution et l'utilisation des ressources dans tous les secteurs.
Les discussions sont longues et elles ne sont pas sans rebondissements. S’il est prévu que le Parlement européen vote en plénière début octobre, le Conseil devrait quant à lui prendre une partie de l’hiver pour aboutir à un compromis sur le texte proposé par la Commission européenne. S’ensuivront des négociations entre Parlement, Conseil et Commission jusqu’à une adoption définitive avant la fin de la mandature européenne en avril 2024.
L’UE a une responsabilité particulière. Les déchets d’emballage générés dans les États membres de l’UE pèsent lourdement sur notre environnement et les pays du Sud. Actuellement, les déchets d’emballages (tous matériaux confondus) sont à un niveau record dans l’histoire, ils ont augmenté de 20 % rien que dans la dernière décennie, à un rythme qui est supérieur à la croissance économique.
Les variations sont importantes entre les pays de l’UE. C’est pourquoi le règlement européen est aussi déterminant. Les décideurs doivent rester fermement concentrés sur l’objectif clé, qui est de réduire les déchets d’emballages et les impacts environnementaux de ce secteur de plus en plus producteur de déchets en aval, mais aussi extractiviste de ressources en amont.
Les enjeux sont immenses : 39 % des plastiques utilisés en Europe le sont pour des emballages, qui servent souvent pendant à peine quelques minutes avant de finir à la poubelle… puis partir pour 65% d’entre eux en décharge ou en incinérateur.
Pour une transformation de nos systèmes d’emballages
Pour faire face à la crise actuelle des emballages, il est nécessaire d’empêcher autant que possible leur production et leur consommation pour réduire l’usage unique, en déployant en particulier des systèmes de réemploi efficaces. Ce faisant, il est essentiel d’exclure la substitution de matériaux (remplacement d’un matériau à usage unique par un autre, par exemple le plastique à usage unique par un emballage à base de papier à usage unique). Le passage de l’usage unique au réemploi n’est pas une idée utopique, mais plutôt une transition qui a déjà commencé et qui a besoin du soutien de la politique européenne pour passer à l’échelle. Zero Waste France défend ces priorités tout au long de la négociation du texte avec ses réseaux associatifs européens Zero Waste Europe et Break Free from Plastic.
Pour des objectifs ambitieux et contraignants de réemploi
C’est LE sujet qui concentre toute l’attention des lobbys. Les associations, dont Zero Waste France, sont très préoccupées par le fait que la désinformation et le lobbying intense de l’industrie des emballages à usage unique et du secteur de la vente à emporter sapent la nécessité du réemploi comme levier de la prévention des déchets, de la conservation des ressources et de la protection du climat.
La France connaît bien leur action contre l’obligation de vaisselle réemployable dans la restauration sur place : Si l’influence des industriels qui produisent et utilisent du plastique continue, les lobbys du papier-carton sont cette fois à l’œuvre pour saper les obligations de réemploi prévues pour les emballages utilisés pour la vente à emporter. Avec un certain succès puisque la rapporteure du texte au Parlement européen, Frédérique Ries, propose de supprimer les obligations de réemploi prévues pour les emballages utilisés pour la vente à emporter de boissons et d’aliments du secteur de l’hôtellerie-restauration.
Malgré les efforts des associations pour représenter l’intérêt général, les lobbys mènent une intense campagne pour laisser croire que les emballages en papier-carton à usage unique seraient plus vertueux que certains emballages réemployables.
Plusieurs études démontent ces arguments des acteurs industriels du secteur du « tout jetable ». Une étude commandée par l’Agence fédérale allemande pour l’environnement montre par exemple que, ventilées par types de matériaux, les émissions de CO2 des cartons sont presque deux fois plus élevées que celles des alternatives réutilisables. Et c’est compter sans les impacts sur la déforestation. Avec l’essor du e-commerce et de la vente à emporter, ainsi que l’abandon des plastiques à usage unique, l’utilisation d’emballages en papier et carton ne cesse de croître. Le « papier et carton » a généré 32,7 millions de tonnes de déchets en 2020 et a été le principal déchet d’emballage de 2009 à 2020. Dans l’UE, la moitié du papier produit est désormais utilisé pour l’emballage. Dans le même temps, trois milliards d’arbres sont abattus chaque année dans le monde pour répondre à la demande d’emballages en papier.
Il en est de même si l’on compare l’ensemble des emballages à usage unique par rapport à leurs équivalent à usage unique, comme démontré en 2020 par Reloop et Zero Waste Europe : l’emballage réemployable a un impact environnemental moindre que son équivalent à usage unique : une bouteille réemployable en PEHD émet 65 % d’émissions de gaz à effet de serre de moins que son équivalent à usage unique. Une bouteille en verre réemployable émet 85 % d’émissions de moins qu’une bouteille en verre à usage unique, 70 % de moins qu’une bouteille en PET à usage unique et 57 % de moins qu’une canette en aluminium à usage unique.
Les expériences françaises et allemandes, qui imposent pour l’une la vaisselle réutilisable quand la consommation se fait sur place et qui prévoient pour l’autre des dispositifs similaires pour la restauration livrée et à emporter, démontrent par elles-mêmes l’intérêt écologique du réemploi dans ce secteur.
Avec le collectif Réemploi, nous avions écrit un courrier au ministre de l’écologie Christophe Béchu dès avril 2023 pour exprimer nos inquiétudes.
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La France doit jouer son rôle pour un règlement ambitieux
Parallèlement à la nécessité de faire avancer le réemploi des emballages en France, il est essentiel que la France défende activement auprès des autres États membres une approche ambitieuse de la réglementation sur les emballages au niveau européen. La loi AGEC a placé la France légèrement en avance par rapport à d’autres, du moins d’un point de vue réglementaire, et certaines avancées françaises sont copiées ailleurs : cela justifie que le gouvernement français soit particulièrement engagé lors des discussions au sein du Conseil sur le règlement emballages pour défendre des règles ambitieuses, contraignantes, que ce soit sur la réduction des emballages à usage unique mis sur le marché ou le développement du réemploi.
Avec le collectif Réemploi, Zero Waste France appelle les euro-parlementaires ainsi que le gouvernement français à la vigilance pour défendre les acquis obtenus lors de la loi AGEC.