Qu’attendre du futur règlement européen sur les emballages ?

Le règlement européen sur les emballages en discussion au niveau européen représente une opportunité majeure pour la transition des systèmes d'emballage, à un moment où il est crucial de réduire drastiquement les émissions, la pollution et l'utilisation des ressources dans tous les secteurs.

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Le point sur l’avancement de la négociation du règlement

5 mars 2024 : le Conseil et le Parlement trouvent un accord

Le lundi 4 mars 2024, après 4 ans de travail préparatoire et plus de 15 mois de négociations, l’intense lutte politique pour limiter les impacts environnementaux et sanitaires des déchets d’emballages dans l’Union européenne a trouvé un aboutissement à travers un accord de compromis entre le Conseil et le Parlement européen.

Si l’UE fixe avec ce texte des objectifs contraignants de réduction et réemploi des emballages, tout introduisant des restrictions directes sur les PFAS (« polluants éternels ») dans les emballages alimentaires, Zero Waste France et l’association No Plastic In My Sea regrettent l’accent mis une fois de plus sur le recyclage et les trop nombreuses exemptions qui mettent à mal l’objectif premier : mettre fin à l’augmentation constante des déchets d’emballages.

De son côté, la Commission européenne n’a pas encore signé l’accord, qui devra également être ratifié par le Parlement européen en avril, avant les élections européennes, pour être définitivement adopté.

Lire le communiqué de presse

18 décembre 2023 : la position du Conseil est désormais connue

La position des États membres est désormais connue : elle est moins ambitieuse que la Commission.

Un point positif, les États membres confirment souhaiter l’extension à toute l’Europe de certaines interdictions déjà en vigueur en France depuis la loi anti-gaspillage de 2020 : les emballages plastiques pour fruits et légumes et la vaisselle jetable dans la restauration sur place.

En revanche, la position du Conseil confirme la tendance à l’exemption des emballages en papier-carton : c’est inacceptable ! Ce texte pourrait avoir des effets majeurs de report du plastique vers le papier-carton, qui a des impacts environnementaux importants, aggravant la déforestation. C’est d’ailleurs ce que nous observons déjà, avec une production croissante d’emballages en papier-carton pour l’industrie agro-alimentaire.

C’est d’un changement de modèle dont nous avons besoin, il faut sortir de la culture du jetable.

22 novembre 2023 : un vote du Parlement européen très décevant

La déception est immense : intimidé par un lobbying sans précédent, le Parlement a voté la suppression de la quasi-totalité des dispositions visant à lutter contre les emballages inutiles, ainsi que de la plupart des objectifs de réemploi pour 2040. Ces choix envoient un signal extrêmement négatif au secteur naissant du réemploi et donnent raison aux industriels du tout-jetable, tuant dans l’œuf toute ambition nécessaire à la prévention des déchets.

Si le soutien aux mesures visant à rendre tous les emballages recyclables contribuera à relancer les niveaux de recyclage stagnants dans l’Union, il ne fera rien pour réduire les niveaux records de production de déchets. Alors que l’UE se veut leader mondial de l’économie circulaire, les députés européens ont notamment supprimé les dispositions qui visaient à limiter l’utilisation d’emballages à usage unique dans la restauration sur place, ainsi que l’emballage des fruits et légumes.

Seul motif de consolation, les objectifs globaux de prévention des déchets fixés pour les États membres fixent une direction à suivre pour l’industrie de l’emballage. En outre, le Parlement a ajouté une interdiction longtemps attendue de l’utilisation des PFAS et du BPA – des substances hautement toxiques et persistantes – dans les emballages alimentaires.

Les États membres du Conseil doivent maintenant adopter un mandat ambitieux sur le réemploi et la prévention des déchets d’emballages, afin de rectifier le tir avant les élections européennes en 2024. Zero Waste France compte sur le gouvernement français pour garantir l’intégrité de la loi AGEC et soutenir la transition vers le réemploi, au niveau européen et à domicile.

Lire le communiqué de presseNotre dossier de presseLire notre courrier à Christophe Béchu

20 novembre 2023 : le point à la veille du vote du Parlement européen

Après des mois de discussions et d’intenses pressions des industriels, la commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire (ENVI) du Parlement européen a adopté le mardi 24 octobre son rapport sur le projet de règlement proposé par la Commission européenne.

Le résultat est mitigé : affaibli par le lobbying, le texte manque cruellement d’ambition sur la réduction des déchets et les objectifs de mise sur le marché d’emballages réemployables. Ainsi, la restauration à emporter et livrée serait exemptée d’une obligation minimale de réemploi, remplacée par une obligation de proposer une alternative de réemploi dans ce secteur. Malheureusement, cette solution, qui existe actuellement en Allemagne, maintient le recours massif à l’usage unique en l’absence de taux minimal obligatoire.  Quant à l’interdiction d’emballages jetables pour la restauration sur place, une avancée obtenue en France grâce à la loi AGEC, elle reste en sursis en ce qui concerne les emballages en papier-carton.

Ce vote en commission sera suivi d’un vote en plénière au Parlement européen le 22 novembre 2023. De nombreux amendements ont été déposés directement en plénière, qui viendraient encore affaiblir le texte s’ils étaient adoptés.

Le Conseil devrait quant à lui prendre une partie de l’hiver pour aboutir à un compromis sur le texte proposé par la Commission européenne. S’ensuivront des négociations entre Parlement, Conseil et Commission jusqu’à une adoption définitive avant la fin de la mandature européenne en avril 2024.

Les recommandations de Zero Waste FranceNotre courrier aux eurodéputésLe communiqué sur le vote en commission

L’enjeu du règlement : s’attaquer aux niveaux records de déchets d’emballages

L’UE a une responsabilité particulière. Les déchets d’emballage générés dans les États membres de l’UE pèsent lourdement sur notre environnement et les pays du Sud. Actuellement, les déchets d’emballages (tous matériaux confondus) sont à un niveau record dans l’histoire, ils ont augmenté de 20 % rien que dans la dernière décennie, à un rythme qui est supérieur à la croissance économique.

Les variations sont importantes entre les pays de l’UE. C’est pourquoi le règlement européen est aussi déterminant. Les décideurs doivent rester fermement concentrés sur l’objectif clé, qui est de réduire les déchets d’emballages et les impacts environnementaux de ce secteur de plus en plus producteur de déchets en aval, mais aussi extractiviste de ressources en amont.

Les enjeux sont immenses : 39 % des plastiques utilisés en Europe le sont pour des emballages, qui servent souvent pendant à peine quelques minutes avant de finir à la poubelle… puis partir pour 65% d’entre eux en décharge ou en incinérateur.

Pour une transformation de nos systèmes d’emballages

Pour faire face à la crise actuelle des emballages, il est nécessaire d’empêcher autant que possible leur production et leur consommation pour réduire l’usage unique, en déployant en particulier des systèmes de réemploi efficaces. Ce faisant, il est essentiel d’exclure la substitution de matériaux (remplacement d’un matériau à usage unique par un autre, par exemple le plastique à usage unique par un emballage à base de papier à usage unique). Le passage de l’usage unique au réemploi n’est pas une idée utopique, mais plutôt une transition qui a déjà commencé et qui a besoin du soutien de la politique européenne pour passer à l’échelle. Zero Waste France défend ces priorités tout au long de la négociation du texte avec ses réseaux associatifs européens Zero Waste Europe et Break Free from Plastic.

Pour des objectifs ambitieux et contraignants de réemploi

C’est LE sujet qui concentre toute l’attention des lobbys. Les associations, dont Zero Waste France, sont très préoccupées par le fait que la désinformation et le lobbying intense de l’industrie des emballages à usage unique et du secteur de la vente à emporter sapent la nécessité du réemploi comme levier de la prévention des déchets, de la conservation des ressources et de la protection du climat.

La France connaît bien leur action contre l’obligation de vaisselle réemployable dans la restauration sur place : Si l’influence des industriels qui produisent et utilisent du plastique continue, les lobbys du papier-carton sont cette fois à l’œuvre pour saper les obligations de réemploi prévues pour les emballages utilisés pour la vente à emporter. Avec un certain succès puisque la rapporteure du texte au Parlement européen, Frédérique Ries, propose de supprimer les obligations de réemploi prévues pour les emballages utilisés pour la vente à emporter de boissons et d’aliments du secteur de l’hôtellerie-restauration.

Malgré les efforts des associations pour représenter l’intérêt général, les lobbys mènent une intense campagne pour laisser croire que les emballages en papier-carton à usage unique seraient plus vertueux que certains emballages réemployables.

Plusieurs études démontent ces arguments des acteurs industriels du secteur du « tout jetable ». Une étude commandée par l’Agence fédérale allemande pour l’environnement montre par exemple que, ventilées par types de matériaux, les émissions de CO2 des cartons sont presque deux fois plus élevées que celles des alternatives réutilisables. Et c’est compter sans les impacts sur la déforestation. Avec l’essor du e-commerce et de la vente à emporter, ainsi que l’abandon des plastiques à usage unique, l’utilisation d’emballages en papier et carton ne cesse de croître. Le « papier et carton » a généré 32,7 millions de tonnes de déchets en 2020 et a été le principal déchet d’emballage de 2009 à 2020. Dans l’UE, la moitié du papier produit est désormais utilisé pour l’emballage. Dans le même temps, trois milliards d’arbres sont abattus chaque année dans le monde pour répondre à la demande d’emballages en papier.

Il en est de même si l’on compare l’ensemble des emballages à usage unique par rapport à leurs équivalent à usage unique, comme démontré en 2020 par Reloop et Zero Waste Europe : l’emballage réemployable a un impact environnemental moindre que son équivalent à usage unique : une bouteille réemployable en PEHD émet 65 % d’émissions de gaz à effet de serre de moins que son équivalent à usage unique. Une bouteille en verre réemployable émet 85 % d’émissions de moins qu’une bouteille en verre à usage unique, 70 % de moins qu’une bouteille en PET à usage unique et 57 % de moins qu’une canette en aluminium à usage unique.

Les expériences françaises et allemandes, qui imposent pour l’une la vaisselle réutilisable quand la consommation se fait sur place et qui prévoient pour l’autre des dispositifs similaires pour la restauration livrée et à emporter, démontrent par elles-mêmes l’intérêt écologique du réemploi dans ce secteur.

Avec le collectif Réemploi, nous avions écrit un courrier au ministre de l’écologie Christophe Béchu dès avril 2023 pour exprimer nos inquiétudes.

Regarder la vidéo de European Paper Network

La France doit jouer son rôle pour un règlement ambitieux

Parallèlement à la nécessité de faire avancer le réemploi des emballages en France, il est essentiel que la France défende activement auprès des autres États membres une approche ambitieuse de la réglementation sur les emballages au niveau européen. La loi AGEC a placé la France légèrement en avance par rapport à d’autres, du moins d’un point de vue réglementaire, et certaines avancées françaises sont copiées ailleurs : cela justifie que le gouvernement français soit particulièrement engagé lors des discussions au sein du Conseil sur le règlement emballages pour défendre des règles ambitieuses, contraignantes, que ce soit sur la réduction des emballages à usage unique mis sur le marché ou le développement du réemploi.

Avec le collectif Réemploi, Zero Waste France appelle les euro-parlementaires ainsi que le gouvernement français à la vigilance pour défendre les acquis obtenus lors de la loi AGEC.

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