5e anniversaire de la loi AGEC : la France doit redoubler d’efforts pour sortir du tout-jetable

Promulguée le 10 février 2020, la loi AGEC a initié un élan pionnier en faveur de la réduction des déchets et de la préservation des ressources. 5 ans plus tard, No Plastic In My Sea, Surfrider Foundation et Zero Waste France appellent le gouvernement français à relancer la dynamique impulsée par la loi pour sortir du tout-jetable.

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Un nouvel élan nécessaire pour sortir du tout-jetable d’ici 2040

L’adoption de la loi AGEC en 2020 laissait entrevoir l’ambition de la France : ouvrir la voie à une transformation concrète et profonde de nos modes de production et de consommation. En ce sens, le texte prévoit la fin des emballages en plastique à usage unique d’ici à 2040. Pourtant, dans un rapport publié en février 2024, les associations Zero Waste France, France Nature Environnement, No Plastic In My Sea, Les Amis de la Terre France et Surfrider Foundation constataient déjà d’importantes limites dans l’application de la loi. Attaquées de toutes parts par les industriels, sans véritables moyens de contrôle et en l’absence de sanctions réellement dissuasives, de nombreuses mesures sont aujourd’hui ineffectives. Un constat repris en partie par une mission d’évaluation parlementaire, qui appelle à une “accélération des transformations actuelles  pour permettre un véritable changement de modèle vers l’économie circulaire”, via notamment la prévention des déchets, mais aussi à travers la réduction et le réemploi des emballages.

L’élan initial de la loi AGEC, s’il a pu déclencher une certaine prise de conscience, a suscité énormément de résistances des lobbies”, déplore Pauline Debrabandere, Responsable Plaidoyer et Campagnes de Zero Waste France.Pour cette raison, l’interdiction de la vente sous plastique des fruits et légumes frais n’est toujours pas appliquée. Il en va de même pour l’interdiction du polystyrène, adoptée dans la foulée. Celle-ci devait entrer en vigueur dès le 1er janvier 2025, en l’absence de filière de recyclage efficiente. Contrairement à ce que clament les fabricants de produits laitiers frais, premiers concernés, ce ne sont même pas 10% des emballages en polystyrène mis sur le marché français qui seront effectivement recyclés sur les 9 prochaines années [1] !”. 

En 2025, plusieurs opportunités se présentent au gouvernement pour donner un nouveau souffle à la politique française de réduction des emballages. En effet, un nouveau décret 3R, précisant les objectifs de réduction, réemploi et recyclage pour la période 2025-2030, doit faire l’objet d’une consultation au 2ᵉ semestre 2025. “La crise du plastique et des emballages est une catastrophe environnementale et sanitaire qui mérite une réponse politique ambitieuse”, martèle Pauline Debrabandere. “La France doit absolument sortir de l’inaction et relancer la dynamique initiée par la loi AGEC pour abandonner le tout jetable”.

Règlement européen “PPWR” : un texte qui donne la possibilité aux États membres de développer des politiques de réduction ambitieuses

Par ailleurs, le règlement européen sur les emballages et déchets d’emballages (Packaging et Packaging Waste  Regulation, “PPWR”) du 19 décembre, paru au journal officiel le 22 janvier dernier, contient des mesures inspirées des textes français et qui s’appliqueront progressivement à la France et à tous les autres États membres de l’UE.

Bien que Zero Waste France, No Plastic In My Sea et Surfrider Foundation regrettent l’accent mis sur le recyclage et les trop nombreuses exemptions contenues dans le texte, le PPWR définit des objectifs de réduction et de réemploi des emballages. En plus d’entériner des dispositions déjà inscrites en droit français, il comporte de nouvelles mesures, à l’instar de l’interdiction des emballages en plastique de petit format dans les cafés, hôtels et restaurants (secteur HORECA) (art. 25).

Il fixe surtout des objectifs minimaux de réduction des déchets d’emballage (art. 43), de 5% dès 2030 et de 15% en 2040, par rapport à 2018, objectifs qui peuvent être plus ambitieux au niveau national. Les États membres ont de surcroît toute latitude pour mettre en œuvre des mesures incitatives, notamment fiscales, visant à réduire les emballages et le plastique.

La petite musique des lobbies du tout-jetable et du plastique sur la fin de la loi AGEC ne doit tromper personne”, rappelle Muriel Papin, Déléguée générale de No Plastic In My Sea. “Le PPWR constitue une base minimale pour la politique de prévention des déchets, qui  permet aux Etats de conserver leurs dispositions existantes et de définir des objectifs plus ambitieux  de réemploi et de réduction  des emballages, notamment en plastique”.

Autre enjeu du texte, l’accent mis sur les impacts des emballages sur la santé publique dans un contexte de révélations de contamination de l’Europe aux PFAS. Le règlement PPWR offre ainsi l’opportunité de placer cette question au centre du débat en bannissant les PFAS de la composition des emballages, et ce dès 2026.

Les dispositions du PPWR inspirées de la loi française :

  • Interdiction de la vente sous plastique des fruits et légumes frais (art. 25)
  • Interdiction des emballages jetables en plastique dans la restauration sur place (art. 25)
  • Interdiction de mise sur le marché des emballages non recyclables (art. 6)
  • Obligation de consacrer une certaine surface de vente au vrac dans les grandes et moyennes surfaces (art. 28)
  • Définition d’objectifs de réemploi des emballages (art. 29)
  • Obligation d’accepter les contenants pour boisson et nourriture dans la restauration (art. 32)
  • Obligation de proposer de l’eau gratuite ou à faible coût dans le secteur de la restauration (art. 25)

La réduction des emballages, un enjeu de société

Enfin, à la fin de l’année 2024, deux propositions de loi ont été déposées respectivement par le député Pierre Cazeneuve (Ensemble, Hauts-de-Seine) et la sénatrice Antoinette Guhl (Écologiste, Paris), afin d’interdire certains formats d’emballages à usage unique, notamment, pour la seconde, les portions individuelles et petits emballages dans le secteur HORECA. No Plastic In My Sea, Surfrider Foundation et Zero Waste France demandent leur mise à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale et du Sénat pour que ces sujets puissent être débattus démocratiquement le plus rapidement possible.

La réduction des emballages à usage unique constitue une opportunité économique pour la France et sa filière prometteuse de réemploi, malheureusement mise à mal par le lobbying intense exercé par McDonald’s et d’autres grands industriels [2] » pointe Lisa Pastor, chargée de lobby chez Surfrider Foundation. “Mais il s’agit aussi d’un enjeu démocratique :  il est essentiel que ces sujets soient discutés au sein des hémicycles, et non laissés au bon vouloir d’industriels guidés par des intérêts privés”.

Les demandes des associations

Sources

[1] Dans un article du 20/06/2024, Citeo, l’éco-organisme responsable de la prévention, de la réduction, de la collecte et du traitement des emballages, mentionne « près de 100 000 tonnes d’emballages mis sur le marché chaque année en France« , quand Actu-environnement relate que ce même éco-organisme « s’est engagé à fournir à Indaver [seule usine de recyclage à ce jour en capacité de recycler les pots de yaourt en polystyrène en boucle fermée, située à Anvers en Belgique, Ndlr] au moins 8 000 t/an de déchets d’emballages en PS pendant neuf ans« .

[2] Comment une start-up écolo a fait faillite à cause de McDonald’s et l’État français, Streetpress, 28/01/2025

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