15 décembre 2020
Moïra Tourneur

5 ans après l’Accord de Paris : le dérèglement climatique s’accélère et toujours pas d’action concrète à l’horizon

Le 12 décembre 2015, 195 pays adoptaient l’Accord de Paris sur le climat à la suite des négociations menées dans le cadre de la COP21. Cinq ans après, le bilan est loin d’être à la hauteur des ambitions affichées et les prévisions climatiques sont pour le moins alarmantes.

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Bluesky

#Wemadehistory : vraiment ? Bilan de l’(in)action climatique 5 ans après

Les signataires de l’Accord de Paris s’étaient engagés à maintenir l’augmentation de la température mondiale en-dessous de 2 °C d’ici à 2100 et à agir pour limiter cette hausse des températures à 1,5 °C par rapport aux niveaux pré-industriels. Ces objectifs à première vue relativement ambitieux mais néanmoins non contraignants supposaient une baisse des émissions de gaz à effet de serre (GES) de 45 % en 2030 par rapport à 2010 pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Paradoxalement, les États n’avaient pas prévu d’engagements particuliers pour la période 2015-2020, jugée pourtant cruciale à cet égard par les scientifiques.

Cinq ans plus tard, quel premier bilan tirer au regard de ces objectifs ? Les cinq dernières années ont fait partie des plus chaudes jamais enregistrées depuis le début des relevés météorologiques. L’augmentation de la température s’évalue à + 1,2 °C en 2020, alors même que le seuil des + 1,5 °C pourrait bien être franchi dans les cinq prochaines années pour une hausse potentielle des températures évaluée à 4 °C d’ici la fin du siècle. Les émissions de GES augmentent d’1,5 % en moyenne depuis 10 ans, là où elles sont supposées diminuer afin de permettre l’atteinte des objectifs fixés par l’Accord de Paris. 

Dans le même temps, les impacts sociaux et sanitaires des dérèglements climatiques se font de plus en plus manifestes. La crise mondiale actuelle induite par la pandémie de coronavirus en est un exemple fort : comme l’a démontré la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), ce sont bien “les mêmes activités humaines qui sont à l’origine du changement climatique, de la perte de biodiversité et, de par leurs impacts sur notre environnement, du risque de pandémie”.  Ainsi, de par les crises qu’il entraîne, le changement climatique touche non seulement les populations les plus vulnérables mais a également des répercussions sociales génératrices d’inégalités. 

Le rapport NAAT « Un climat d’inégalités »

Finis les discours : place à l’action !

À la veille de l’anniversaire des cinq ans de l’Accord de Paris, les États-membres de l’Union européenne se sont accordés sur un nouvel objectif climatique européen à l’issue d’un sommet européen les 10 et 11 décembre 2020. L’Union européenne se fixe ainsi un objectif de réduction d’au moins 55 % de ses émissions de GES à horizon 2030 par rapport au niveau de 1990, contre un objectif précédent de 40 %. 

S’il est louable que les chef.fes d’Etat et de gouvernement aient réussi à se mettre d’accord sur une ambition commune, l’effet d’annonce ne doit pas pour autant occulter l’enjeu majeur de la mise en œuvre concrète de l’objectif. Sans traduction en actes, les engagements restent creux et inutiles pour répondre aux problématiques posées par le changement climatique : ce sont des mesures effectives par secteurs (agriculture, aérien, BTP, etc.) qui sont nécessaires désormais.

Pourtant, les différents plans de relance élaborés en réponse à la crise du coronavirus proposent des mesures en inadéquation avec les ambitions climatiques affichées par les gouvernements. Le plan de relance français, s’il flèche 30 % de son investissement vers la transition écologique, soutient aussi des industries incompatibles avec une économie décarbonée. Sur le volet déchets et économie circulaire, une partie conséquente des financements est ainsi orientée vers l’incinération des déchets… plutôt que vers leur prévention ! Ces investissements témoignent de la méconnaissance qui règne sur les liens pourtant forts entre la prévention et la gestion des déchets et leur impact sur le climat.

Voir aussi l’appel de Zero Waste Europe

De la nécessité de mieux appréhender la problématique déchets dans la lutte contre la crise climatique

L’impact des déchets sur le climat est souvent évalué au seul regard des émissions de GES liées à leur traitement. En effet, la mise en décharge est à l’origine d’émanations importantes de méthane, aux effets de réchauffement particulièrement importants, tandis que l’incinération rejette principalement du CO2 ainsi que des résidus d’épuration des fumées classés “dangereux”. À cela s’ajoutent les émissions induites par la collecte et le transport des déchets. 

Il convient pourtant de ne pas envisager la pression climatique des déchets uniquement sous le prisme de leur traitement, mais de bien prendre en compte les impacts des produits avant qu’ils ne deviennent déchets : l’extraction de matières premières ainsi que la fabrication et le transport des produits sont également fortement émetteurs de GES, sans compter leurs impacts sur la biodiversité.

C’est sur ces impacts climatiques liés aux produits que des démarches ambitieuses de réduction à la source des déchets permettent d’agir. La prévention des déchets a un rôle de premier plan à jouer dans la réduction des émissions de GES et le développement d’une économie bas-carbone : c’est en ce sens que les solutions concrètes zéro déchet, zéro gaspillage sont essentielles dans la lutte contre les dérèglements climatiques.

Après cinq ans, il n’est plus temps de se perdre dans des grands discours non suivis d’effets : il faut agir pour des politiques réellement ambitieuses en matière de prévention et de gestion des déchets permettant d’apporter des éléments de réponse aux enjeux du changement climatique.

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