Réduction des plastiques à usage unique : les ONG appellent le gouvernement à maintenir les acquis de la loi AGEC
Alors que le gouvernement envisage de revenir sur plusieurs dispositions de la loi AGEC, les ONG Zero Waste France, France Nature Environnement, les Amis de la Terre France, Surfrider Foundation Europe et No Plastic In My Sea, alertent sur les risques de reculs concernant la réduction des plastiques à usage unique.
Elles appellent à maintenir tous les acquis de la loi afin de lutter efficacement contre la pollution plastique.
Un projet de loi qui vise à intégrer en droit français les règlements européens relatifs aux emballages et à l’écoconception
Révélé par Contexte [1] le 28 août 2025, un projet de loi “portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne” (DDADUE) a été mis en consultation au mois d’août auprès des membres du Conseil national de l’économie circulaire (CNEC), dont Zero Waste France, France Nature Environnement et les Amis de la Terre France. Ce texte met en œuvre plusieurs règlements européens récemment adoptés, relatifs aux emballages (PPWR) [2] et à l’écoconception (ESPR) [3], et contient notamment des dispositions concernant les invendus non alimentaires, les emballages, les filières à Responsabilité élargie du producteur (REP) et les transferts transfrontaliers de déchets.
Parmi ces dispositions, plusieurs pourraient acter des reculs sur la réduction des plastiques à usage unique, si le projet de loi était adopté en l’état :
- Suppression de l’interdiction des emballages en plastique à usage unique pour les fruits et légumes frais : après une bataille juridique à l’initiative des lobbies, cette mesure emblématique figurant dans la loi AGEC n’était plus en vigueur en France, en attendant un nouveau décret d’application.
- Réduction du champ de la REP Textiles sanitaires à usage unique (TSUU, incluant notamment les couches pour bébés, les protections menstruelles, les mouchoirs et autres essuie-tout) aux seules lingettes, et suppression de la REP gomme à mâcher (GAM) : pour mémoire, une coalition inédite d’associations de collectivités et d’ONG s’est formée en juillet 2025 pour enjoindre l’État d’appliquer le principe « pollueur-payeur » aux fabricants d’essuie-tout, mouchoirs en papier, lingettes, couches bébés, masques et autres TSUU, comme le prévoit bien la loi AGEC.
- Allégement de l’exigence de compostabilité pour les sacs en plastique et la suppression du biosourcé.
L’interdiction de la vaisselle jetable dans la restauration sur place, mise en place à travers la loi AGEC, reste cependant en vigueur en France.
Enfin, les grands objectifs de la loi AGEC, à savoir la fin des emballages en plastique à usage unique d’ici 2040 et à la réduction de moitié des bouteilles en plastique à usage unique d’ici 2030, sont quant à eux maintenus. Les ONG rappellent cependant que, faute de feuille de route précise, leur atteinte n’est pas garantie.
Des textes européens qui donnent la possibilité de sauvegarder les lois nationales préexistantes
Notant le maintien de certaines mesures ambitieuses de la loi AGEC, non obligatoires au regard des règlements et directives européennes, les ONG rappellent que ces textes permettent aux gouvernements des Etats membres d’activer des clauses de sauvegarde des lois préexistantes, à l’instar de l’article 43 (7) du PPWR.
A ce titre, les ONG demandent au gouvernement de :
- retirer la suppression de l’interdiction de la vente sous plastique des fruits et légumes frais, et d’appliquer cette interdiction sans attendre le délai fixé par le PPWR pour 2030 ;
- supprimer la restriction de la REP Textiles sanitaires à usage unique aux seules lingettes et maintenir la REP gommes à mâcher ;
- justifier l’allégement de l’exigence de compostabilité pour les sacs en plastique et la suppression du biosourcé.
Les ONG craignent que, si ces dispositions sont maintenues dans le projet de loi DDADUE, elles s’ajoutent aux 43 reculs environnementaux actés dans les 6 premiers mois de 2025 [4].
Ces changements, source d’instabilité juridique, ont aussi un impact économique en pénalisant les entreprises impliquées dans des solutions alternatives au plastique à usage unique, comme l’a souligné le député Philippe Bolo en février 2025 dans une question au gouvernement [5].
En 2023, la France générait 172 kg de déchets d’emballages par habitant, soit près de 12 millions de tonnes, dont 2,4 millions de tonnes de plastiques [6].
Quant aux textiles sanitaires à usage unique, ils constituent la dernière grande famille de déchets non valorisables encore présents dans les poubelles des Français-es. Au total, ils représentent 2,4 millions de tonnes de déchets produits chaque année, qui finissent incinérés ou enfouis [7].
Réactions des ONG
Pauline Debrabandere, Responsable Plaidoyer et Campagnes de Zero Waste France : “Il y a quelques semaines à Genève, la France a démontré sa capacité à convaincre ses voisins européens de la nécessité de mettre en œuvre des mesures ambitieuses de réduction pour combattre efficacement la pollution plastique à la source. Cette ambition, incarnée notamment par la loi AGEC, doit continuer à guider les actions du gouvernement français et se concrétiser sur le territoire national. La France peut et doit aller plus loin pour inspirer la réglementation européenne”.
Muriel Papin, Déléguée Générale de No Plastic In My Sea : “Après avoir voulu réintroduire le plastique dans les cantines scolaires en début d’année, les lobbys industriels sont en passe d’obtenir un recul sur un point majeur de la loi : la fin du plastique sur les fruits et légumes frais. Il est important que le gouvernement ne cède pas. Nous rappelons que les consommateurs attendent ce changement depuis plusieurs années et que la majorité l’ont déjà adopté. Les consommateurs sauront se mobiliser contre ce recul incompréhensible, comme ils l’ont fait sur la loi Duplomb”.
Axèle Gibert, coordinatrice du réseau déchets chez France Nature Environnement : ” Ce projet de loi constitue une nouvelle illustration de la politique de détricotage des normes environnementales dans laquelle le gouvernement s’inscrit depuis plusieurs mois. Des reculs dangereux pour l’environnement, la santé de la population et qui pénalisent les entreprises innovantes. Une fois de plus, le gouvernement cède face aux lobbys industriels alors Il y a urgence à agir face à la pollution plastique.
Lucie Padovani, chargée de plaidoyer chez Surfrider Foundation Europe :
“La pollution s’accumule et le gouvernement recule. Se retrancher derrière la réglementation européenne, alors même qu’elle autorise des mesures plus ambitieuses, est un contresens pour un pays qui s’était positionné en leader lors des négociations du PPWR et qui en affaiblit aujourd’hui la raison d’être. Face aux impacts massifs de la pollution plastique sur notre environnement et aux risques qu’elle fait peser sur notre santé, la transition vers une économie circulaire n’est pas une option : elle est inévitable. Le principe de non-régression doit en être le cap.”
Sources
[1] Économie circulaire : le projet de loi qui acte plusieurs reculs symboliques de la France | Contexte
[6] Packaging waste by waste management operations, Eurostat