Loi fast-fashion : Bercy cède aux lobbies

Le gouvernement vient de déposer un amendement sur la proposition de loi de réduction des impacts environnementaux de la “fast-fashion” qui doit être discutée au Sénat le 2 juin. Cet amendement supprime le montant des pénalités financières pour les marques de fast-fashion.

Newsletter
Partager
Bluesky

Ce montant allait jusqu’à 10 euros par produit en 2030 en fonction de la pollution engendrée. Alors que cette proposition de loi a déjà été largement affaiblie en commission sénatoriale et sous la pression des lobbies, les associations de la Coalition Stop Fast-Fashion s’alarment de ce nouveau coup porté par le gouvernement. En l’état, le texte risque de ne devenir qu’une coquille vide, sans portée dissuasive, bien loin de la potentialité de transformation du secteur qu’il incarnait au sortir de l’Assemblée nationale.

Une attaque sur un pilier essentiel de la loi

La loi fast-fashion, votée à l’unanimité à l’Assemblée nationale en mars 2024, doit être votée au Sénat courant juin. Ce texte est essentiel pour encadrer et pénaliser les marques de fast fashion qui portent atteinte à l’environnement et aux droits humains. Pourtant, force est de constater que le parcours de cette loi, qui a rassemblé tous les camps politiques à l’Assemblée nationale, est semé d’embûches.

Aujourd’hui, c’est le gouvernement lui-même, qui s’attaque frontalement à un pilier du texte : les pénalités financières en fonction de l’impact environnemental de chaque produit (originellement basées sur l’éco-score). Via un amendement, le gouvernement veut supprimer la pénalité progressive (de 5 euros par produits en 2025 à 6 euros par produits en 2026 puis 10 euros en 2030) existant actuellement dans la loi pour la renvoyer au « cahier des charges » et à l’éco-organisme Refashion qui n’a pour l’instant jamais établi de pénalités supérieures à 0.09 euros.

Le montant élevé de ces pénalités est essentiel pour réguler et contrer un modèle basé sur une production en masse de vêtements vendus à des prix dérisoires, permis seulement par une exploitation humaine et environnementale à chaque bout de la chaîne.

La coalition réagit : “Si cet amendement gouvernemental venait à être adopté, on risque de faire de cette loi une coquille vide qui ne fixe aucun malus ni critères environnementaux concrets et permettrait même aux principaux concernés (Shein et Temu) d’y échapper.”

Un recul qui coïncide avec un lobbying renforcé de la part de Shein

Alors que ces pénalités devaient être indexées sur l’affichage environnemental récemment validé par la Commission européenne, la Commission aménagement du territoire et développement durable du Sénat a fait le choix, le 19 mars dernier, de supprimer ce lien pour le remplacer par des critères de “durabilité liée à l’impact des pratiques industrielles et commerciales des producteurs”. Soit une formule extrêmement floue, qui ne correspond à aucune réalité juridique. Le risque est donc d’avoir une loi qui mette en place des pénalités mais sans les fixer, sur la base de critères flous, laissant les mains libres aux marques donneuses d’ordre pour profiter des nombreuses zones d’incertitude.

A noter que ce recul coïncide avec un lobbying renforcé de la part de Shein. La marque a massivement envoyé au Sénat une étude d’impact dénonçant la hausse potentielle des prix des vêtements les plus polluants, notamment du fait des pénalités élevées.

Les associations de la coalition “Stop fast-fashion” dénoncent cette dangereuse attaque portée par le gouvernement. Elles appellent d’urgence l’exécutif à retirer cet amendement et, le cas échéant, les sénateurs et sénatrices à ne pas le voter. 

Actualités

à la une
22 mai 2025

Déchets : Zero Waste France demande un moratoire sur tous les nouveaux projets d’incinération

Un nouveau rapport de Zero Waste France dévoile une tendance inquiétante au développement de méga-incinérateurs en France, sous prétexte de production d’énergie. Décorrélés des ambitions de préven[...]

29 avril 2025

Recyclage chimique des plastiques : Zero Waste France et deux associations locales attaquent le projet Eastman en justice

Zero Waste France, Le Havre Zéro Déchet et Zero Waste Rouen ont déposé, samedi 26 avril, un recours auprès du Tribunal administratif de Rouen pour demander l’annulation de l’arrêté préfectoral [1][...]

03 avril 2025

SIMPLIFICATION DE LA VIE ÉCONOMIQUE : LES RIVERAIN·ES BIENTÔT ÉVINCÉ·ES DU DÉBAT PUBLIC ?

Incinérateurs d’Ivry, de Créteil ou de Toulouse-Mirail, projet de recyclage chimique des plastiques en Seine-Maritime : autant de projets qui ont été supervisés ou garantis par la CNDP. L’existenc[...]

20 mars 2025

Le rôle des collectivités locales dans la lutte contre le plastique à usage unique

Face aux impacts croissants du plastique, les collectivités locales disposent de leviers essentiels pour réduire les plastiques à usage unique, tels que la commande publique, le soutien aux systèm[...]

20 mars 2025

La loi anti fast-fashion détricotée

Lors de son passage en commission développement durable au Sénat, la proposition de loi visant à encadrer les pratiques de la fast-fashion a été percutée par le pouvoir des lobbys. La Coalition St[...]

à la une
14 mars 2025

Mobilisation de la Coalition Stop Fast Fashion : 10 tonnes de déchets textiles déposés devant le Sénat pour l’adoption de la loi anti fast-fashion

La coalition Stop Fast-Fashion déplore que la proposition de loi votée en mars 2024 pour mettre fin à ce système de surproduction délétère ne soit toujours pas inscrite à l’ordre du jour du Sénat.[...]

13 mars 2025

Décret autorisant la vaisselle plastique dans les établissements accueillant des enfants : non au plastique dans les cantines

Nous la croyions définitivement bannie des repas de nos enfants depuis le 1er janvier, grâce aux avancées permises par les lois EGalim et Agec. Mais c’était sans compter la pression des industrie[...]

21 février 2025

DEVOIR DE VIGILANCE EN MATIÈRE DE PLASTIQUE : LES ONG ET DANONE PARVIENNENT À UN ACCORD DANS LE CADRE D’UNE MÉDIATION

En janvier 2023, la coalition d’ONG ClientEarth, Surfrider Foundation Europe, et Zero Waste France assignait la société Danone pour non-respect à leurs yeux du devoir de vigilance en matière de pl[...]

11 février 2025

Règlement emballages (PPWR) : un socle minimal pour des politiques publiques de prévention et de réemploi ambitieuses

Dans le cadre du Pacte Vert, la Commission européenne dévoilait fin 2022 son projet de texte visant à harmoniser les règles relatives aux emballages. Le règlement dit “PPWR” entre finalement en vi[...]

10 février 2025

5e anniversaire de la loi AGEC : la France doit redoubler d’efforts pour sortir du tout-jetable

Promulguée le 10 février 2020, la loi AGEC a initié un élan pionnier en faveur de la réduction des déchets et de la préservation des ressources. 5 ans plus tard, No Plastic In My Sea, Surfrider Fo[...]