16 mai 2022
Laura Frouin

Collectivités : soutenons les filières du réemploi à travers la commande publique !

Un décret de la loi AGEC impose un minimum d’achats de fournitures issues du réemploi ou de la réutilisation. Malgré le manque d’ambition de ce décret, certaines collectivités ont su s’en saisir et montrer qu’il est possible d’utiliser la commande publique comme un réel levier pour développer le secteur du réemploi sur son territoire.

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Plus de réemploi dans les achats publics

L’article 58 de la loi AGEC a introduit une nouvelle obligation dans la conclusion de contrats des collectivités : les acheteurs publics doivent depuis le mois de mars 2021 date acquérir un minimum (entre 20 et 40 %) de fournitures issues du réemploi, de la réutilisation ou comportant des matières recyclées

Cette obligation a été précisée par le décret n° 2021-254 du 9 mars 2021, qui liste les catégories de produits et la part minimum d’achat issue de ces filières en proportion de la dépense totale annuelle hors taxe.

Si Zero Waste France estime que les taux aurait pu être plus ambitieux, elle note toutefois que le décret a réparé le manquement de la loi en réintroduisant la priorité du réemploi et de la réutilisation sur le seul recours aux bien issus de matières recyclés. 

La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire de 2020 a confirmé ce rôle d’exemplarité de la commande publique. Depuis le 1er janvier 2021, tout achat public doit respecter une proportion annuelle de biens réemployés, réutilisés ou intégrant de la matière recyclée. Si l’intitulé de loi n’établit aucune hiérarchie entre le réemploi et l’incorporation de matière recyclée, le décret d’application de la mesure répare ce manquement et donne la priorité au réemploi pour presque tous les biens qui peuvent être concernés (vêtements, ordinateurs et téléphones, meubles notamment). 

Ainsi, par exemple, sur 1 000 euros de matériel informatique ou de mobilier de bureau dépensés sur une année, au moins 200 euros doivent être dédiés à des produits issus du réemploi ou de la réutilisation. Cela est également valable pour l’achat de vêtements et de chaussures professionnels, d’appareils ménagers ou encore de bicyclettes.

Ce taux dégringole pour le mobilier urbain ou les jouets achetés : sur les 1000 euros de produits achetés, seulement 50 euros doivent être issus du réemploi ou de la réparation, et 150 euros peuvent être issus du recyclage.

Réemploi et réutilisation, quelle différence?

On entend par réemploi « toute opération par laquelle des substances, matières ou produits qui ne sont pas des déchets sont utilisés de nouveau pour un usage identique à celui pour lequel ils avaient été conçus ». Ainsi, un meuble acheté en ressourcerie est issu du réemploi A la différence du réemploi, la réutilisation concerne « toute opération par laquelle des substances, matières ou produits qui sont devenus des déchets sont utilisés de nouveau ». Un téléphone reconditionné, qui a été un déchet et est passé par un processus de remise en état, est issu de la réutilisation.

Réemploi et mobilier : l’équation gagnante

Le mobilier est un secteur d’achat où il est facile de privilégier le réemploi. En plus de faire des économies et de faire vivre des ressourceries locales, il est possible de créer un univers esthétique unique, qui peut devenir un véritable atout pour des lieux recevant du public ! 

Lors de la création de la métropole Aix-Marseille-Provence, afin d’équiper rapidement de nouveaux·elles agent·e·s, la métropole a choisi d’acheter le mobilier de 18 postes de travail en réemploi. Grâce à un marché public, l’achat a été fait auprès de l’Association Régionale des Ressourceries de PACA. Le regroupement des ressourceries de la région a permis de répondre aux quantités et aux spécificités du marché. 

Le coût total a été réduit d’environ 30 à 40 % par rapport à un marché similaire d’achats en neuf. Il a également permis de sensibiliser les acheteur·se·s de la métropole à  la filière du réemploi, grâce à la visite d’une des ressourceries.  

Suite à cette démarche, le nouveau Schéma de Promotion des Achats Socialement et Écologiquement Responsables d’Aix-Marseille-Provence préconise, pour l’élaboration des marchés pouvant intégrer du réemploi, l’adaptation de spécificités techniques ainsi que la segmentation du marché en plusieurs lots pour favoriser les acteurs du réemploi dès que cela est possible.

L’Eurométropole de Strasbourg a expérimenté quant à elle l’achat public de meubles d’occasion pour la création de la pépinière d’entreprises de Hautepierre.

Ainsi, l’achat de 25 pièces d’ameublement pour l’aménagement de l’espace restauration, la terrasse et les espaces communs s’est fait auprès d’acteurs du réemploi. 

L’Eurométropole a inclus dans la commande la prestation d’un architecte-décorateur pour assurer l’homogénéité esthétique du mobilier choisi, réparer et personnaliser les meubles.

L’avantage financier est apparu clairement : le coût de ce mobilier était inférieur de 67% au coût de l’équivalent neuf. La valeur estimée de l’achat étant inférieur à 25 000 €, les opérateurs du marché ont pu être choisis librement par la collectivité et favoriser ainsi les structures locales.

Longue vie au reconditionnement

En matière de réutilisation, ce sont les équipements informatiques qui peuvent facilement être remplacés sans passer par la case “neuf”, notamment grâce au reconditionnement. Une démarche non négligeable d’un point de vue économique : un téléphone portable reconditionné s’achète en moyenne à un coût inférieur de 15 à 30% du prix du modèle neuf (analyse de la Direction des Achats de l’Etat, 2020).

La métropole de Montpellier a par exemple réalisé l’achat de 170 téléphones mobiles reconditionnés pour équiper ses agent·e·s (pour des remplacements et des nouvelles attributions). Ce marché, d’un montant de 36 000 €, a été attribué à une entreprise locale. Ainsi, cette première expérimentation a permis de soutenir la filière locale et de sensibiliser les agent·e·s à l’achat et à l’usage de matériel reconditionné.

La Métropole de Saint-Etienne a fait le choix de reconditionner le parc informatique de ses 300 écoles. La métropole a d’abord réalisé un diagnostic pédagogique technique pour identifier les besoins exacts en matière d’équipements des écoles et faire un état des lieux du matériel actuel. Deux marchés publics ont ensuite été constitués :  le principal pour la collecte du matériel informatique, son reconditionnement, et le cas échéant, son remplacement par d’autres ordinateurs reconditionnés; et le second pour  la livraison et la réinstallation du matériel dans les écoles. La métropole a pu conserver un parc informatique homogène et adapter le matériel aux besoins du personnel. Ce projet a eu un avantage pédagogique certain : les enfants, les parents et les professeur·e·s du territoire ont pu être sensibilisés à l’impact environnemental des équipements informatiques neufs. La métropole a également mis l’accent sur l’approche sociale de la filière du réemploi en fixant  des exigences en matière d’insertion dans le marché public.

Pour éviter l’achat de nouveaux équipements informatiques, le Syndicat des Déchets du Centre Yonne a quant à lui privilégié la location. En signant un marché public avec une entreprise spécialisée dans la location d’équipements électroniques, pour ses ordinateurs et téléphones portables qui propose un service global de réparation, d’assistance et de mise à jour, il a pu éviter de renouveler son parc informatique et s’assurer de l’allongement de la durée de vie des ses appareils. 

Zero Waste France invite les collectivités à se saisir pleinement de leur rôle d’exemplarité pour engager une refonte ambitieuse de leurs politiques d’achat et donnant la priorité absolue au réemploi sur l’achat neuf.

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