Le Tribunal de Rennes rappelle que les plans déchets doivent respecter les objectifs de la loi

En annulant le plan de gestion des déchets du Morbihan jugé "très axé sur l'incinération", le Tribunal de Rennes rappelle la priorité à donner à la prévention des déchets.

Newsletter
Partager

A l’occasion d’un recours exercé contre le plan départemental du Morbihan, le Tribunal administratif de Rennes (24 mai 2017, n°1404871) rappelle la loi en matière de planification de la gestion des déchets. Zero Waste France fait le point sur cette décision transposable au contexte actuel de la planification des déchets non plus départementale, mais régionale. Un jugement qui donne le ton pour les travaux en cours : il faudra tenir les objectifs de la loi de transition énergétique !

Bien identifier tous les gisements de déchets sur le territoire

Premier point d’achoppement pour le Tribunal de Rennes, l’insuffisance des données et en particulier pour les « déchets d’activité économique ». Découlant d’un problème souligné par les associations requérantes et d’autres instances, les magistrats ont retenu que ces données auraient pu être appréciées plus précisément, quand bien même ce sont des entreprises privées qui détiendraient ces informations. Le Tribunal a ainsi retenu cet argument déjà utilisé par le passé, et destiné à assurer la bonne information du public et une évaluation environnementale satisfaisante des plans. Il rappelle ainsi la nécessité pour les collectivités de se doter de moyens de suivi des déchets sur leur territoire, notamment en créant des observatoires permanents.

Cela est d’autant plus vrai que de nouveaux flux de déchets doivent désormais être pris en compte tels que les biodéchets avec la planification de leur tri à la source. Par analogie, plusieurs plans départementaux avaient été annulés faute de planifier la gestion des emballages alors que cela était imposé par la réglementation (voir par ex. TA Grenoble, 7 mai 2008, n°0504873).

Une possibilité très encadrée de déroger à la hiérarchie des modes de traitement

Autre motif d’annulation du plan départemental, la dérogation trop générale à la hiérarchie des modes de traitement ouverte par le document. En effet, il ressort du jugement que le Morbihan avait priorisé l’enfouissement et l’incinération des déchets sur des territoires représentant 69% de la population départementale. Cela représentait une « dérogation » très large à la réglementation en vigueur, qui fait pourtant primer la prévention, la réutilisation et le recyclage.

Dans les mêmes conditions qu’auparavant, la loi aujourd’hui en vigueur rappelle en effet que « le plan peut prévoir, pour certains types de déchets spécifiques, la possibilité, pour les producteurs et les détenteurs de déchets, de déroger à la hiérarchie des modes de traitement des déchets […] en la justifiant compte tenu des effets globaux sur l’environnement et la santé humaine, et des conditions techniques et économiques ». C’est bien ce qu’a entendu réaffirmer le Tribunal en constatant que la dérogation décidée ne concernait ni « certains types de déchets spécifiques » (aspect qualitatif) ni une part limitée de la population (aspect quantitatif).

Si le décret d’application du 17 juin 2016 détaillant le contenu des nouveaux plans régionaux utilise les termes « d’adaptation » et de « différenciation » des objectifs aux « particularités régionales », ces termes au demeurant peu précis ne peuvent écarter l’application de la loi et la notion pour sa part très claire de « dérogation ». Les régions devront donc bien élaborer des plans de gestion mettant en œuvre les objectifs de la loi de transition énergétique (notamment 65% de recyclage en 2025), sans pouvoir y déroger de façon trop large (uniquement pour des gisements spécifiques et, le cas échéant, une fraction limitée de la population).

Axer sur la prévention et le recyclage, pas sur l’incinération

C’est enfin un travers constaté dans de nombreux plans que les juges rennais ont sanctionné : l’absence d’une véritable planification des installations de traitement des déchets, qu’il s’agisse du recyclage et, plus encore, de l’élimination des ordures. En admettant que le plan, selon la formulation des requérants, pourrait constituer un « aspirateur à déchets », et après avoir constaté que le principe de proximité n’était pas défini, les juges ont retenu que les orientations choisies ne respectaient pas les grands objectifs issus du Code de l’environnement, et en particulier l’approfondissement constant du recyclage.

Le Tribunal semble avoir été convaincu par la commission d’enquête, qui faisait état de la baisse continue des déchets à enfouir et incinérer depuis plusieurs années, et des politiques publiques pouvant accélérer cette tendance : « … les objectifs de prévention et de réduction des déchets de l’avis unanime des intervenants et d’une partie des personnes publiques associées, comme de la commission, sont nettement sous-estimés au regard des tendances déjà observées entre 2007 et 2010, à l’expérience de la mise en place de la redevance incitative et à l’analyse de moyens simple de réduction de certains déchets ».

Constatant que « le plan ne préconise que quelques adaptations mineures, comme un regroupement sur des quais de transfert des déchets, et en restant très axé sur l’incinération », celui-ci est donc annulé. Un jugement qui donne donc un cap clair : ne pas reporter des décisions à plus tard, et privilégier la prévention des déchets et leur recyclage à tous les autres modes de traitement. A cette fin, la Cour administrative d’appel de Lyon a confirmé, en juillet 2017 (n°14LY02514), que le planificateur n’a aucunement l’obligation de retenir un projet déjà « entériné » par une collectivité locale, et peut l’écarter notamment sur le fondement des capacités de traitement, des hypothèses de réduction des déchets ou encore eu égard aux incertitudes techniques et réglementaires des technologies utilisées.

Actualités

à la une
09 septembre 2024

Loi Industrie Verte : Notre Affaire à Tous et Zero Waste France demandent l’annulation des décrets

Alors que le gouvernement a pris, dans l’entre-deux-tours des législatives, plusieurs décrets [1] liés à la loi Industrie Verte, Notre Affaire à Tous, Zero Waste France et leurs antennes locales o[...]

17 juillet 2024

JOP de Paris 2024 : faux départ pour le réemploi des emballages

Alors que les Jeux olympiques et paralympiques (JOP) ont été annoncés comme un immense événement “zéro déchet” et “zéro plastique à usage unique”, les modalités de distribution des boissons par le[...]

11 juillet 2024

Plastique : en Normandie, le projet de recyclage chimique Eastman suscite l’inquiétude

A Saint-Jean-de-Folleville (76), le projet Eastman pourrait être l'un des plus grands projets de recyclage chimique au monde. Problèmes : ce procédé n’a jamais fait ses preuves, ses impacts enviro[...]

26 juin 2024

Élections législatives : soutenir une transition écologique juste

Les 30 juin et 7 juillet prochains, tous·tes les Français·es seront appelé·es aux urnes pour élire leurs représentant·es à l’Assemblée nationale. Face à la menace de l’extrême droite, Zero Waste F[...]

17 juin 2024

Recyclage du polystyrène : une « impasse » pour Zero Waste France

Une enquête du Monde et Franceinfo indique que le gouvernement a investi des centaines de millions d’euros, sans succès, pour développer le recyclage du polystyrène. Zero Waste France demande le m[...]

11 juin 2024

Extrême droite : la position de Zero Waste France

Le score historique de l'extrême-droite aux élections européennes et la dissolution de l’Assemblée nationale constituent un énorme risque pour la transition écologique et la réduction des déchets.[...]

07 juin 2024

Préservation des ressources, réduction des déchets : pourquoi nous avons besoin d’une Europe ambitieuse

Interdiction de plastiques à usage unique, responsabilité des producteurs : des règles qui ont en commun de résulter du droit de l'UE. À l’occasion du renouvellement du Parlement européen, Zero Wa[...]

06 juin 2024

Sondage : les Français·es majoritairement favorables à l’interdiction des bouteilles en plastique de moins de 50 cl

Alors que les scandales dans le secteur de l’eau en bouteille se succèdent, un sondage OpinionWay pour les associations Zero Waste France et No Plastic In My Sea, rendu public ce jour, montre que [...]

29 mai 2024

Evaluation de la loi AGEC : les associations appellent le gouvernement à mettre en oeuvre rapidement les recommandations des parlementaires

Alors que la mission d’évaluation de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) a rendu ce jour son rapport, les associations Zero Waste France, No Plastic In My Sea, Les Amis de l[...]

14 mai 2024

Tendances maison : un nouveau rapport dénonce les dérives de la fast-déco

Dans un nouveau rapport, Zero Waste France, le Réseau National des Ressourceries et Recycleries et les Amis de la Terre France pointent l’emballement de la production dans l’ameublement et la déco[...]