17 octobre 2018
Thibault Turchet

Zero Waste France porte plainte contre McDonald’s et KFC de Paris République

Le 18 octobre 2018, Zero Waste France a déposé plainte contre deux établissements pour non-respect de leurs obligations en matière de gestion des déchets.

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Trois fondements juridiques issus du Code de l’environnement sont invoqués : l’absence de tri des déchets en salle, l’absence de tri des biodéchets, et le recours massif au tout jetable contraire à la hiérarchie des modes de traitement des déchets. Un décret du 10 mars 2016 entré en vigueur le 1er juillet 2016, communément appelé le “décret 5 flux”, impose à la plupart des entreprises de trier le papier, le plastique, le métal, le verre et le bois. Un groupe de travail ministériel a même été créé en mai 2017 pour faire connaître ce texte. Bref : tout le monde est au courant.

Une plainte pénale : l’aboutissement d’une campagne citoyenne pour faire respecter la réglementation

Après plus d’un an d’alerte citoyenne, une plainte vient donc d’être déposée contre deux établissements, McDonald’s et KFC, situés Place de la République. Au coeur de la capitale, ils sont intensément fréquentés du matin jusque tard la nuit. Ils sont également à deux pas de la statue de Marianne, symbole républicain de l’Etat de droit et de la justice.

De jour puis de nuit, le juriste de l’association s’est rendu sur place, a photographié l’absence de tri en salle, et analysé le contenu des poubelles une fois sorties avant d’être collectées (évacuées vraisemblablement vers un incinérateur de la région). Un immense gâchis quotidien, alors qu’une part importante de ces déchets sont recyclables.

En octobre 2017, en parallèle d’une mobilisation devant de nombreux établissements de ces enseignes, une pétition avait été lancée demandant à McDonald’s France, KFC et Burger King de mettre en place le tri des déchets en salle sous 6 mois. Si McDonald’s a affirmé, en mai 2018, que 76 établissements sur près de 1500 faisaient le tri, les annonces se suivent et se ressemblent depuis près d’une dizaine d’années d’atermoiement. Pour sa part, KFC ne semble pas du tout l’envisager, malgré l’ambition d’ouvrir 300 restaurants supplémentaires d’ici 2025. Les moyens de ces groupes sont pourtant colossaux (4.8 milliards d’euros de chiffre d’affaires pour McDonald’s, 567 millions de CA pour Yum!, qui regroupe KFC et Pizza hut).

Le non-respect du tri des 5 flux est passible d’une sanction administrative d’un montant maximal de 150 000€ (article L541-3 du Code de l’environnement), et constitue une infraction pénale punie d’une peine maximale de deux ans d’emprisonnement et 75 000€ d’amende (4° et 8° de l’article L541-46 du même Code).

Généraliser le tri, une urgence dans le secteur de la restauration rapide

La mise en place du tri permettrait aux Français.e.s de trier partout, au foyer comme à l’extérieur (McDonald’s seul sert près de 2 millions de clients chaque jour).

En mai 2017, Zero Waste France a publié un rapport relatif à la politique de gestion des  déchets de l’enseigne McDonald’s France. L’association y a constaté une production de déchets en hausse, la stagnation du recyclage, une absence quasi généralisée de tri dans les établissements, et un recours encore massif au tout jetable. Cette publication a été suivie d’une d’enquête partout en France, grâce à nos groupes locaux, au sein des établissements McDonald’s, KFC, Burger King : sur 122 fast-food visités, seuls 5 faisaient le tri.

Dans les 25 000 points de ventes en France de la restauration rapide, 13 milliards d’unités d’emballages sont utilisées chaque année (soit 183 000 tonnes de déchets juste pour ce flux). Rien que pour McDonald’s, nous estimons que la chaîne produit environ 42 000 tonnes d’emballages chaque année, soit 115 tonnes par jour. Cela représente donc pour cette enseigne, et pour la France seulement, plus de 1kg d’emballages jetés chaque seconde  ! La majorité est envoyée en décharge ou en incinération, faute de tri.

Au-delà de la réglementation sur le tri, réduire le recours au tout jetable

Un autre moyen juridique innovant développé dans la plainte est relatif au non-respect de la “hiérarchie des modes de traitement”. Cette réglementation issue du Code de l’environnement dispose que tout producteur de déchets doit les gérer selon une “hiérarchie” qui privilégie la réduction à la source et le réemploi, par préférence au recyclage et à l’élimination. Plusieurs décisions de justices récentes confèrent une efficacité renouvelée à cette disposition légale (voir not. CAA Bordeaux, 14 novembre 2017, n°17BX01387).

Nous souhaitons ainsi faire reconnaître en justice que toute entreprise ayant recours au “tout jetable” alors même que des alternatives concrètes existent, ne respecte pas cette norme juridique et peut faire l’objet de condamnations. Notre rapport de mai 2017 comportait en ce sens plusieurs recommandations, en particulier l’utilisation de vaisselle réutilisable pour les commandes consommées “sur place”.

L’association, représentée par son avocat Maître Alexandre Faro, espère désormais l’ouverture d’une enquête par le Procureur. Le Ministère de la transition écologique et solidaire est également destinataire d’un courrier pour l’alerter de cette situation.

Les sociétés faisant l’objet de la plainte sont présumées innocentes jusqu’à ce qu’elles soient déclarées coupables.

Consultez le dossier de presse complet

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