Textiles Sanitaires à Usage Unique : une coalition hors-norme saisit la justice pour non-application de la loi AGEC
Une coalition inédite d’associations de collectivités et d’ONG s’est formée pour enjoindre l’État d'appliquer la loi AGEC. Cette loi votée en 2020 prévoyait l’application du principe « pollueur-payeur » aux fabricants d’essuie-tout, mouchoirs en papier, lingettes, couches bébés, masques et quelques autres textiles à usage unique.
Ayant triplé depuis les années 90 [1], ce gisement de 2,4 millions de tonnes de déchets annuels, majoritairement incinéré ou enfoui, est devenu la dernière grande famille de déchets non valorisables encore présents dans nos poubelles.
Ce principe “pollueur payeur” visait à faire peser le coût de la gestion de ces déchets sur leurs fabricants, et ainsi à récupérer à terme près de 800 millions d’euros [2] aujourd’hui à la charge des collectivités locales et de leurs contribuables.
Attendu au 1er janvier 2024, le gouvernement a finalement reculé à la dernière minute et, sous la pression des lobbys, refusé d’appliquer ce principe à l’ensemble du gisement. Toutefois, afin d’éviter le paiement de pénalités européennes, il a maintenu cette mesure sur les seules lingettes, soit 1% du gisement initial, conformément aux exigences du droit européen.
Ce principe devait permettre d’instaurer des critères pour améliorer l’écoconception de ces produits et promouvoir le recours à des alternatives réemployables, sans plastique ou autres perturbateurs endocriniens, davantage respectueuses de la santé des utilisateurs et de l’environnement. Il devait également contribuer à l’atteinte des objectifs nationaux en matière d’économie circulaire en visant la réduction et la valorisation de ce gisement, notamment grâce à des campagnes de prévention et au déploiement de collecte séparée pour recyclage. Enfin, il devait soutenir l’innovation française et l’émergence de solutions locales alternatives au tout jetable.
Aussi, nous, associations de collectivités et ONG, avons décidé d’aller devant le Conseil d’État pour demander à l’État de respecter la loi et de s’engager dans sa pleine application, dans le respect de l’intérêt général et des fondements de notre démocratie, aujourd’hui trompés par ce refus implicite.
Bénédicte Kjaer Kahlat, Responsable des affaires juridiques de Zero Waste France :
« Depuis 3 décennies, les textiles sanitaires prennent de plus en plus de place dans nos poubelles. Résultat, ce sont des millions de tonnes de déchets qui sont brûlés ou enfouis chaque année, avec un coût sanitaire et environnemental colossal. La loi AGEC devait mettre fin à cette surenchère du tout-jetable, mais les lobbys en ont décidé autrement : c’est inacceptable dans une démocratie !«
Sources
[1] MODECOM ADEME 2017 (p. 28)
[2] Étude de préfiguration de la filière REP textiles sanitaires à usage unique – Synthèse, ADEME, Juin 2023 (p. 11)