Affichage environnemental du textile, un étiquetage qui s’affiche ambitieux

L’affichage environnemental, c’est quoi ?

L’affichage environnemental du textile est un score qui va calculer l’impact de chaque vêtement, en prenant en compte l’ensemble de son cycle de vie : fabrication des étoffes, teinture, confection, distribution, fin de vie… Son objectif est de permettre aux consommateur·ices de se faire une idée des impacts environnementaux de chaque produit, dans le but de conduire à des choix plus éclairés.

Le principe est le même que celui du Nutriscore, qui consiste en une notation des produits selon leur impact nutritionnel. Il était prévu que l’affichage environnemental soit mis en place de façon volontaire pour les produits textiles et alimentaires en 2024, puis soit rendu obligatoire en 2025 – en application de la loi Climat et résilience. Il doit ensuite être étendu à d’autres produits, notamment électroniques, cosmétiques, et d’ameublement.

La proposition de loi fast-fashion, adoptée le 14 mars dernier par l’Assemblée Nationale, et prochainement débattue au Sénat, vient renforcer le rôle de l’affichage environnemental, déjà prévu dans la loi Agec de 2020 et la loi Climat et résilience de 2021. Cette proposition de loi, qui vise à encadrer les pratiques de fast-fashion, prévoit la mise en place d’une pénalité financière basée sur l’affichage environnemental des vêtements, afin de sanctionner les vêtements ayant le plus d’impacts environnementaux. Dans ce cadre, la méthodologie de calcul de l’affichage environnemental, qui doit être adoptée par décret, concentre les tensions et fait face à d’intense lobbying de la part des entreprises de la fast-fashion.

Une méthodologie de calcul ambitieuse

Le calcul de l’affichage environnemental, élaboré par l’Ademe et présenté fin mars par le ministère de la Transition écologique, prend en compte différents critères [1] :

  • L’impact environnemental de la fabrication du vêtement, à travers une analyse de cycle de vie prenant en compte 16 catégories d’impact différentes : énergie utilisée, produits chimiques, consommation d’eau… Ce calcul correspond à la méthodologie européenne “PEFCR Apparel & Footwear” en cours de développement.
  • Des compléments pour les enjeux non couverts par la méthodologie européenne : tout d’abord, l’impact des microfibres – les vêtements contenant du polyester ou d’autres types de fibres synthétiques (dont du plastique) relarguent en effet des microfibres tout au long de leur cycle de vie, persistantes et toxiques. Les impacts sont délétères pour la santé humaine comme pour la biodiversité. Ensuite, les exports hors Europe, autre enjeu majeur : entre 20% et 50% des vêtements exportés hors Europe, après usage, sont directement jetés sans être réutilisés [2].
  • L’ajout d’un coefficient de durabilité, permettant d’estimer le nombre de jours pendant lesquels un vêtement sera porté. Ce coefficient prend en compte à la fois la durabilité “intrinsèque” du vêtement – sa résistance physique – et sa durabilité “extrinsèque”, c’est-à-dire l’ensemble des facteurs externes pouvant amener quelqu’un à arrêter de porter un vêtement : pratiques commerciales de renouvellement de gamme, de largeur de gamme, d’incitation ou non à la réparation…, autrement dit une façon objective de définir l’obsolescence émotionnelle d’un vêtement.

L’outil Ecobalyse a été mis en ligne pour calculer le score obtenu pour plusieurs types de vêtements. Par exemple, un tee-shirt en coton bio, fabriqué en France par une marque éthique, aura un coût environnemental estimé à 489 points. À l’inverse, un tee-shirt en coton conventionnel, fabriqué en Chine par une marque de fast-fashion, aura un coût environnemental estimé à 1534 points.

Synthèse des critères pris en compte dans l’affichage environnemental – source Ministère de la Transition écologique, avril 2024

Des critères centraux pour pénaliser la fast-fashion

Ce qui est intéressant dans cette méthodologie, c’est l’importance donnée aux critères de  fabrication des vêtements. La phase de fabrication est celle qui a le plus d’impacts sur l’environnement, et il est central de bien prendre en compte ces impacts. Les émissions de gaz à effet de serre du pays de fabrication du vêtement comptent ainsi pour beaucoup dans le calcul, et les vêtements fabriqués en Asie seront donc considérés plus polluants que ceux fabriqués en Europe.

Pour ce qui est des matériaux, ce calcul devra aussi permettre aux matières “éco-responsables” (coton biologique ou recyclé, lin, chanvre…) d’obtenir un meilleur score que les matières synthétiques. Le coton conventionnel et le polyester, qui représentent à elles deux plus de 75% du marché textile [3], seront pénalisées par le calcul, notamment en raison des impacts sur la biodiversité (pesticides utilisés par la culture du coton conventionnel) et des microfibres relâchées par le polyester tout au long de son cycle de vie.

Le transport est également pris en compte dans ce calcul de l’impact environnemental, ce qui va permettre de pénaliser le score des vêtements transportés par avion. Les enseignes de fast-fashion comme Shein, ou Zara, qui transporte 20% de ses vêtements en avion [4], verront donc le score de leurs produits augmenter en raison de l’impact environnemental de ce mode de transport.

Plus encore, la véritable avancée de cette méthodologie est de prendre en compte des facteurs liés à l’obsolescence  “émotionnelle” des vêtements, c’est-à-dire les facteurs qui poussent les consommateur·ices à de nouveaux achats et qui réduisent le temps d’utilisation de chaque vêtement. Ce sont ces critères qui vont tout particulièrement permettre de pénaliser les vêtements commercialisés par les enseignes de fast-fashion.

Des points de vigilance à l’heure de la concertation des parties prenantes

En mai 2024, cette méthodologie de calcul ambitieuse sera discutée auprès des différentes parties prenantes de la filière textile et de son impact environnemental. Les associations de la coalition “Stop fast-fashion”, dont fait partie Zero Waste France, restent très vigilantes : il est central que cette méthodologie reste la plus ambitieuse possible, et que la pondération des différents critères – notamment ceux pénalisant la fast-fashion – ne soit pas revue à la baisse. Nous comptons sur les décideur·euses politiques pour ne pas faiblir face aux attaques des lobbies de l’industrie textile. Il est primordial d’éviter que les enseignes historiques de fast-fashion, telles que Zara, H&M, Action ou encore Primark, passent entre les mailles du filet.

Zero Waste France et les autres associations de la coalition “Stop fast-fashion” restent aussi attentives au futur décret d’application de la loi qui définira la fast-fashion, et donc à  l’articulation entre l’affichage environnemental et la pénalité financière prévue dans la proposition de loi. Quels seuils de l’affichage environnemental déclencheront l’obtention de la pénalité financière ? Si le décret ne pénalise par exemple que les vêtements ayant le pire score, par exemple un coût environnemental supérieur à 2000 points, la portée de la loi en serait profondément amoindrie. Il est essentiel de cibler l’intégralité des enseignes de fast-fashion, et donc de fixer un seuil ambitieux au déclenchement de la pénalité.

Se pose par ailleurs la question de la forme que prendra cet affichage environnemental pour être facilement pris en compte par le grand public. À l’heure actuelle, l’outil Ecobalyse indique le calcul des données brutes, et non l’affichage tel qu’il devrait être représenté par la suite. Cet affichage pourra soit prendre la forme d’un score en valeur absolue, soit sous forme de classement, par exemple une note ABCDE assortie d’un code couleur, comme pour le Nutriscore. Dans tous les cas, Zero Waste France insiste sur la nécessité d’un affichage facilement compréhensible pour les consommateur·ices.

En savoir plus

[1] Ademe, Affichage environnemental, méthodes et données

[2] Étude de Changing Markets, 2023

[3] Materials Market Report 2022, de Textile Exchange

[4] Rapport Public Eye 2024