Projet de plan régional déchets en Normandie : avis défavorable faute de précision suffisante

Premier projet de plan régional de prévention et de gestion des déchets (PRPGD) soumis à une enquête publique, le projet normand vient d'essuyer un avis défavorable de la commission d'enquête publique. En cause : des motifs de forme mais aussi de contenu du plan.

Partager

La planification régionale des déchets, en cours depuis 2016, est un exercice structurant puisque ces plans sont censés organiser la gestion de tous les types de déchets pour les 6 et 12 prochaines années. La région Normandie a été le premier conseil régional à se lancer dans cette planification, à sortir un projet de plan et donc à le soumettre à l’enquête publique, à l’été 2018. Ce projet de plan vient d’essuyer un avis défavorable de la part de la Commission d’enquête, fait assez rare en la matière pour être commenté.

Une demande de clarté et de prescriptibilité des plans de la part de Zero Waste France

Zero Waste France, impliquée dans plusieurs régions dans ce processus de planification, a fait part tout au long de la concertation de sa position sur les points à traiter dans le cadre des plans. En particulier, il apparaît crucial de conférer une valeur prescriptive au plan, s’agissant des installations de traitement à fermer, adapter ou créer (conformément au décret du 17 juin 2016 – voir une note juridique complète publiée en février 2018).

Rappelons en effet que selon la réglementation applicable, les projets locaux d’usines de traitement des déchets doivent être « compatibles » avec le plan régional, ce qui donne une force juridique contraignante à ce plan, à condition qu’il soit clair et non pas évasif sur les différents type d’installations. Faute de se prononcer sur ces sujets sensibles, l’autorité de planification commettrait d’ailleurs une « incompétence négative » source d’illégalité en cas de recours.

Sur ce point précis, le projet de plan normand a ainsi clairement transcrit l’objectif de réduction des quantités de déchets envoyés en décharge en écrivant clairement que « aucune nouvelle installation de stockage des déchets non dangereux non inertes n’est autorisée par le PRPGD sur la durée du plan« . Cependant, sur d’autres terrains, force est de constater que le projet de plan ne prend aucune position.

Ainsi pour le traitement des déchets ménagers résiduels (point 4.8.2), en matière d’incinération, le projet de plan prévoit qu’il « n’interdit pas la création de nouvelles capacités de valorisation des déchets ménagers résiduels, notamment en cohérence avec l’évolution de la filière CSR« . Voilà une formulation pour le moins évasive et imprécise, ne pouvant constituer un véritable « plan » au sens juridique du terme.

L’autorité environnementale (services de l’Etat en région) préconisait ainsi, dans son avis sur le projet de plan, « d’approfondir, sur la base d’un état initial complété, l’analyse des effets du plan sur l’environnement et la santé humaine en y intégrant notamment une approche territorialisée et une analyse spécifique et qualitative des différents types de déchets, d’installations ou de valorisation prévus par le PRPGD« .

Un avis défavorable notamment du fait de l’absence de prescriptibilité du plan

Les conclusions de la Commission d’enquête font état d’un potentiel vice de procédure dans le cadre de l’organisation de l’enquête publique. Surtout, les commissaires enquêteurs ont retenu que le plan est en l’état, purement indicatif et descriptif :

En ce qui concerne le caractère opposable du Plan :

  • D’une manière générale la commission regrette que cette dimension du PRPGD, prévue par la loi, soit insuffisamment prise en compte. En effet dans son mémoire en réponse le Conseil Régional semble estimer, à tort, que l’absence de transfert de compétences en matière de gestion directe ne confère au plan qu’une portée purement indicative et descriptive.
  • La commission regrette l’absence d’engagements précis dans le cadre de l’adoption de la version définitive du PRPGD et le renvoi au « suivi » d’un certain nombre de préconisations de la MRAe.
  • La commission regrette que les intentions exprimées pour les biodéchets et la valorisation énergétique demeurent dépourvus de la présentation d’actions concrètes« .

La Commission semble également confirmer que le « plan d’action en faveur de l’économie circulaire » qui accompagne le plan régional doit être lui aussi assez précis, doté de moyens effectifs et ne peut renvoyer à des stratégies ou actions ultérieures :

« La commission donne acte au Conseil Régional de l’intégration dans le PRPGD d’éléments relatifs au développement de l’économie circulaire. Néanmoins, elle constate qu’en dépit de la relative complexité des schémas présentés cette question demeure :

  • traitée de façon incomplète,
  • renvoyée pour partie à une stratégie encore à définir avec les acteurs régionaux,
  • dépourvue de mesures d’accompagnement concrètes,

[…]

  • La Commission note qu’il n’existe pas de ligne spécifique concernant le PRPGD dans le budget de la Région. Dans ces conditions elle s’interroge sur la capacité de la collectivité à concrétiser ses objectifs. »

Au final, la Commission a considéré que « le projet présenté, dépourvu de moyens pouvant en assurer la bonne mise en oeuvre, se résume à un catalogue de bonnes pratiques n’engageant aucunement la responsabilité du Conseil Régional« . Le lien entre ce document et le terrain n’est donc pas assuré, dans la mesure où « le projet n’apportera aucun bénéfice réel au territoire, que ce soit en termes d’amélioration de la situation existante ou de recherche de solutions innovantes« .

Il est encore temps de prendre en compte ces impératifs juridiques, pour la région Normandie comme pour les autres régions, dont certaines ont le même positionnement en faveur d’un plan « non prescriptif ».

Actualités

14 mars 2024

Loi sur l’impact environnemental du textile : un premier pas historique pour en découdre avec la fast-fashion

Après des mois de forte mobilisation, la coalition Stop Fast-Fashion se félicite du vote par les député·es de la proposition de loi visant à réduire l’impact environnemental du textile. Malgré des[...]

08 mars 2024

La lutte écologique ne se fera pas sans une lutte féministe

A travers la démarche zéro déchet zéro gaspillage, c’est souvent l’écologie des petits gestes qui est privilégiée. Au-delà du fait que cette démarche ne peut être considérée comme l’unique et seul[...]

à la une
06 mars 2024

Règlement européen sur les emballages : Zero Waste France et No Plastic In My Sea regrettent un texte édulcoré et insuffisant pour mettre fin au tout-jetable

Les négociations sur le règlement UE sur les emballages ont abouti lundi 4 mars 2024 sur un accord de compromis entre les États membres et le Parlement européen, mais l’accent mis sur le recyclage[...]

26 janvier 2024

Moins 30% d’ordures ménagères avec la mise en place d’une tarification incitative

L’Ademe a publié en janvier deux études sur les collectivités ayant adopté une tarification incitative, montrant leurs meilleures performances en matière de réduction des ordures ménagères, et rel[...]

18 janvier 2024

Réparation : la loi AGEC a-t-elle permis de limiter la casse ?

Indice de réparabilité, accès aux pièces détachées, bonus réparation : autant de mesures prévues par la loi AGEC pour allonger la durée de vie des produits, notamment des équipements électriques e[...]

22 décembre 2023

Loi AGEC : assistera-t-on aux changements annoncés pour le 1er janvier 2024 ?

Bientôt quatre ans après la publication de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, de nouvelles dispositions doivent entrer en vigueur au 1er janvier 2024. Zero[...]

21 décembre 2023

Fast-fashion : les ONG demandent une loi pour encadrer les pratiques du secteur de la mode

Alors que le Black Friday et autres soldes continuent de s’imposer en France à grands coups de publicités tapageuses, Zero Waste France a lancé avec une coalition d’ONG la campagne “Stop fast-fash[...]

04 décembre 2023

Retour sur la matinée technique : “Réduction du plastique à usage unique : accompagner les acteurs du territoire à adopter le réemploi”

Zero Waste France a organisé le 16 novembre 2023 une matinée technique de retour d’expérience de la part de collectivités ayant mis en place des actions de lutte contre le plastique à usage unique[...]

20 novembre 2023

Qu’attendre du futur règlement européen sur les emballages ?

Le règlement européen sur les emballages en discussion au niveau européen représente une opportunité majeure pour la transition des systèmes d'emballage, à un moment où il est crucial de réduire d[...]

19 novembre 2023

Retour sur la table ronde “Sport et zéro déchet : carton rouge ou pari gagnant” ?

Zero Waste France a organisé le samedi 7 octobre 2023 une table ronde sur le thème du sport zéro-déchet. Cette soirée d’échanges a mis en avant le parcours et l’engagement de trois acteurs·rices q[...]