Loi Climat : un manque d’ambition global, malgré quelques avancées à l’issue de la commission mixte paritaire

La commission mixte paritaire, destinée à trouver un compromis entre l’Assemblée Nationale et le Sénat, a été conclusive et signe donc la fin des débats sur la loi Climat et résilience. Malgré quelques avancées, le texte n’est malheureusement pas à la hauteur de l’urgence climatique ; récapitulatif par Zero Waste France.

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Des avancées en matière de réemploi mais toujours pas de généralisation de la consigne

Alors que la réintroduction de la consigne pour réemploi des emballages en verre était une ambition fortement affirmée par la Convention citoyenne pour le climat, les parlementaires ont à nouveau manqué l’occasion d’y répondre, en excluant toute généralisation concrète de la consigne. Ainsi, le texte se borne à prévoir que « des dispositifs de consigne peuvent être mis en œuvre pour les emballages en verre lorsque le bilan environnemental global est positif », ce qui n’apporte rien de plus à l’existant issu de la loi anti-gaspillage. Au vu des bénéfices tant environnementaux qu’économiques et sociaux de la consigne, cette rédaction finale est très décevante.

Néanmoins, la commission mixte paritaire a conservé la rédaction du Sénat qui prévoit que l’Observatoire national du réemploi et de la réutilisation définisse une trajectoire nationale d’emballages réemployés mis en marché : un premier pas vers la réintroduction de la consigne. En effet, une telle trajectoire devrait permettre de donner un cap concret aux metteurs en marché pour augmenter leur part d’emballages réemployés (qui peuvent être notamment des emballages consignés) par rapport aux emballages à usage unique.

Plusieurs autres dispositions en faveur du réemploi ont été adoptées dans la version finale du texte, dont la plupart constituent d’intéressantes avancées par rapport à l’état du droit actuel :

  • Expérimentation de 18 mois de l’usage de contenants réutilisables consignés dans la restauration livrée et à emporter, seulement sur certains territoires qui seront listés par décret.
  • Intégration de l’usage de contenants consignés standardisés comme critère d’éco-modulation (bonus financier) pour les contributions des producteurs à l’éco-organisme Citeo.
  • Augmentation de 2 % à 5 % du montant alloué par l’éco-organisme Citeo au développement du réemploi : une augmentation bienvenue mais qui demeure très symbolique au vu de la faiblesse du montant…
  • Inclusion dans les futurs plans régionaux de prévention et de gestion des déchets d’un “maillage équilibré des dispositifs de consigne pour réemploi ou réutilisation, notamment des dispositifs de collecte mis en place par les producteurs ou leur éco‑organisme, ainsi que des laveuses et lieux de stockage des emballages consignés”.
  • Proposition aux consommateurs de contenants réutilisables ou recyclables à partir de 2025 pour la vente à emporter dans la restauration collective : la mention de l’alternative “ou recyclables” vide cette disposition de toute son ambition environnementale puisque des contenants en plastique ou en carton pourront être acceptés dans ce cadre…

Un développement tardif mais concret de la vente en vrac

S’il est passé à côté de l’ambition consigne, le texte a davantage répondu aux attentes citoyennes concernant le développement de la vente en vrac. Ainsi, à partir de 2030, 20% de la surface de vente de produits de grande consommation des commerces de plus de 400 m2 devront être consacrés à la vente en vrac (ou dispositif d’effet équivalent exprimé en nombre de références ou en proportion du chiffre d’affaires), un décret restant à venir pour préciser les contours de l’obligation.

Le texte prévoit également que l’action des pouvoirs publics vise à encourager la vente en vrac, notamment via des expérimentations et des actions de sensibilisation, et qu’une expérimentation sera menée pour 3 ans concernant le développement de la vente en vrac dans les commerces de moins de 400 m2.

Les parlementaires ont aussi profité de l’article sur le vrac pour adopter l’interdiction, à partir de 2025, des emballages en polystyrène “non recyclables et dans l’incapacité d’intégrer une filière de recyclage” – une bonne nouvelle, même si l’ambition de cette interdiction a été largement amoindrie par rapport à la première rédaction de l’Assemblée Nationale, qui visait tous ces emballages indépendamment de leur recyclabilité.

Une réintégration a minima du dispositif “Oui Pub”

Concernant le “Oui Pub”, dispositif qui interdit la distribution de publicité non-adressée à défaut d’accord exprès figurant sur la boîte aux lettres, le texte final voté en commission mixte paritaire reprend très largement la rédaction de l’Assemblée Nationale. Il permet le lancement d’une expérimentation du “Oui Pub” pour 3 ans dans les collectivités territoriales volontaires, devant se limiter à 10% de la population et à 15 collectivités maximum, ce qui amoindrit considérablement l’ambition du dispositif voulu par la Convention citoyenne.

En matière de gaspillage publicitaire, la loi prévoit également qu’au 1er juillet 2022, il soit interdit de fournir à un consommateur, sans demande de sa part, un échantillon de produit dans le cadre d’une démarche commerciale.

Au-delà de son volet économie circulaire, décevant malgré quelques avancées, la version finale de la loi Climat et résilience, qui sera bientôt définitivement adoptée par le Parlement, échoue donc considérablement à répondre à l’urgence environnementale et climatique actuelle, ainsi qu’aux ambitions portées par les citoyen·nes de la Convention citoyenne pour le climat.

La réaction du Réseau Action Climat

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