09 septembre 2025
Pauline Debrabandere

Face à l’instabilité politique, l’urgence écologique n’attend pas

La chute du gouvernement Bayrou, le 8 septembre, et l’instabilité gouvernementale qu’elle engendre ont des conséquences directes sur l’application de mesures en faveur de la transition écologique. Zero Waste France fait le point sur les chantiers clés qui risquent de prendre - beaucoup - de retard.

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Une situation politique bloquée et une colère qui monte

Avec deux gouvernements renversés en l’espace de quelques mois – gouvernements Barnier en décembre 2024 et Bayrou en septembre 2025 -, la France se trouve dans une situation de blocage politique inédite. Depuis la dissolution de juin 2024, la division de l’Assemblée nationale en trois blocs à peu près équivalents a rendu les discussions parlementaires explosives, en particulier sur le budget.

Dans ce contexte, les gouvernements successifs ont acté plusieurs retours en arrière sur le plan écologique. Le PLF 2025 s’est notamment caractérisé par des reculs sur le financement des mesures de transition écologique : coupes budgétaires sur le Chèque énergie, baisse des aides sur les véhicules électriques [1]… Pour les sujets liés à la réduction des déchets, c’est le Fonds vert à destination des collectivités qui a fait l’objet de coupes successives depuis son lancement en 2023. Alors qu’il représente une source essentielle de financement de projets verts locaux (comme les solutions de tri à la source des biodéchets), il est passé pour la première fois sous la barre du milliard d’euros dans le projet de loi de finances (PLF) 2025, et serait purement et simplement supprimé pour 2026.

Après un été marqué par des incendies d’ampleur et des vagues de chaleur intenses, les Français‧es sont nombreux‧euses à attendre des mesures ambitieuses en matière environnementale et de justice sociale. Le succès inédit de la pétition contre la loi Duplomb a montré ce ras-le-bol des reculs pour la transition écologique et juste. Les mobilisations à venir en septembre illustrent également le fossé entre l’inaction politique et les attentes des citoyen‧nes. A cet égard, Zero Waste France est signataire de l’appel “Climat, Justice, Libertés”, en vue de la Marche des Résistances pour la transition écologique, sociale et démocratique. Celle-ci s’inscrit dans la mobilisation mondiale qui se déroulera en marge de l’Assemblée générale des Nations Unies à New York et en amont de la COP30  [2]. En France, la marche aura lieu ce 28 septembre 2025, sur tout le territoire.

Le communiqué de presse du RAC

La gestion des affaire courantes : report de l’examen de plusieurs textes et consultations

Après le 8 septembre, la France entre dans une nouvelle phase de blocage et donc d’inaction politique. Suite à la censure du gouvernement par l’Assemblée nationale, les ministres du gouvernement démissionnaire restent pour l’instant en poste, dans l’attente de la constitution d’un nouveau gouvernement. Ces ministres ne peuvent désormais gérer que les affaires courantes, c’est-à-dire les mesures nécessaires au fonctionnement de l’Etat, mais sans nouvelle initiative. L’ensemble des projets de loi en cours d’examen, qui émanent du gouvernement, sont suspendus, et aucune nouvelle consultation (notamment sur des projets d’arrêtés ou de décret) ne peut être lancée.

Pour les sujets liés à l’économie circulaire, plusieurs textes prennent – parfois à nouveau – du retard :

  • La proposition de loi encadrant la fast-fashion : après examen à l’Assemblée en mars 2024, puis au Sénat en juin 2025, c’est désormais à une commission mixte paritaire d’établir une version définitive de la proposition de loi. Cette commission est généralement convoquée par le gouvernement. Initialement prévue pour octobre 2025, elle n’est pour l’heure pas mise à l’agenda et risque de prendre plusieurs mois de retard, en raison du décalage de l’examen du PLF 2026. Zero Waste France alerte sur l’urgence à réguler ce secteur, dont les mises en marché augmentent chaque année.
  • La proposition de loi interdisant la vaisselle en plastique dans les cantines [3] et les établissements accueillant du jeune public : déposée par la députée Graziella Melchior en mars 2025, cette proposition de loi avait pour but de corriger une faille réglementaire, en précisant l’inclusion des gobelets, assiettes, récipients et couverts parmi les items en plastique interdits dans les cantines. Annoncée par la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, en réaction à la pétition lancée par Zero Waste France et Cantines sans plastique, cette proposition de loi n’a malgré tout jamais été mise à l’agenda parlementaire. Alors que le sujet ne fait pas débat pour la santé des jeunes publics, il est indispensable que cette proposition de loi soit examinée et adoptée au plus vite.
  • Le projet de loi DDADUE (adaptation au droit de l’Union Européenne), à l’initiative du gouvernement Bayrou, est lui aussi en suspens. Ce texte, sous prétexte de respect des règlements européens emballages et éco-conception, prévoit plusieurs reculs par rapport à la loi Agec de 2020, notamment le report de l’interdiction des emballages en plastique à usage unique pour les fruits et légumes à 2030, et la réduction du périmètre de la filière REP textiles sanitaires à usages uniques. Certaines de ces mesures sont fortement décriées par les ONG, dont Zero Waste France. Pour autant, son ajournement ne signifie pas l’abandon du projet de loi, dont les mesures devraient être adoptées d’ici fin 2025.

Plusieurs consultations gouvernementales, prévues pour le second semestre 2025, sont également mises en pause :

  • L’élaboration de la stratégie 3R 2026-2030 : la stratégie nationale 3R (réduction, réemploi, recyclage) constitue la déclinaison de l’objectif prévu dans la loi Agec d’atteindre la fin des emballages en plastique à usage unique d’ici 2040. Après une première stratégie 2021-2025, une deuxième stratégie 3R est censée être élaborée pour la période 2026-2030. Sans nouveau gouvernement, la consultation des parties prenantes, initialement prévue pour l’automne 2025, ne peut pas être lancée, et la mise en œuvre de la nouvelle stratégie 3R ne pourra pas commencer en janvier 2026. Alors que le bilan de la première stratégie 3R est mitigé (les emballages en plastique mis sur le marché continuant à augmenter), Zero Waste France alerte sur la nécessité d’agir au plus vite pour adopter une stratégie 3R ambitieuse.
  • La refonte du cahier des charges de la filière REP textile : lancée dans un contexte de crise de la filière, en juin dernier, la refonte du cahier des charges risque lui aussi de prendre quelques mois de retard en raison de l’instabilité gouvernementale.

Les chantiers urgents qui attendent le nouveau gouvernement

Ces différents textes et consultations, ajournés, sont pourtant des chantiers urgents à mettre en œuvre. Alors que la première Stratégie 3R n’a pas été menée dans sa totalité – par exemple, les objectifs n’ont pas été déclinés par secteurs d’activités – et que les emballages en plastique à usage unique mis sur le marché continuent d’augmenter, il est urgent d’adopter des mesures plus ambitieuses encore. De même, face à l’explosion des quantités de vêtements mises en marché en France, il est central d’adopter au plus vite la proposition de loi contre la fast-fashion, dont l’examen a débuté il y a déjà 18 mois.

Le projet de loi de finances (PLF) 2026 sera bien entendu au cœur de la feuille de route du nouveau gouvernement et des débats des prochains mois. Au lieu de coupes supplémentaires dans le budget de la transition écologique, un sursaut écologique et social s’impose, ainsi qu’un réel changement de méthodes et de cap des politiques publiques nationales. Le financement de la transition écologique et l’adaptation des territoires doivent être au cœur de ce nouveau budget, qui doit parvenir à appliquer pleinement le principe pollueur-payeur auprès des metteurs en marché.

A noter : le PLF 2026 comprendra des mesures portant directement sur le service public de gestion des déchets, avec des discussions sur l’évolution de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP). Alors que le PLF 2019 avait acté une augmentation progressive du montant de la TGAP entre 2020 et 2025 (pour la mise en décharge et dans une moindre mesure pour l’incinération) [4], le nouveau PLF doit acter ses modalités pour les années à venir. Zero Waste France insiste sur la nécessité de poursuivre cette augmentation, qui a porté ses fruits en contribuant à réduire les tonnages envoyés en décharge, mais en la renforçant davantage sur les installations d’incinération.

[1] Projet de loi de finances : Doit-on encore rappeler que la fin du monde et la fin du mois sont le même combat ?, Réseau Action Climat, 29 janvier 2025

[2] Mobilisation mondiale septembre 2025, Fixons les limites

[3] Proposition de loi visant à garantir l’interdiction de la vaisselle en plastique dans la restauration collective accueillant du jeune public et liée à la petite enfance, n° 1169, déposée le lundi 24 mars 2025.

[4] Loi de finances 2019 : la réforme de la fiscalité des décharges et des incinérateurs est adoptée, Zero Waste France, 22 décembre 2018

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