17 février 2021
Alice Elfassi

Construction d’un incinérateur à La Chapelle-Saint-Luc : le tribunal valide le projet en dépit de ses impacts environnementaux

Suite au recours formé par Zero Waste France et les associations environnementales locales Aube Durable et Aube Ecologie, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a tranché le 11 février 2021 en faveur du projet d’incinérateur de La Chapelle-Saint-Luc. Zero Waste France dénonce cette décision très décevante.

Newsletter
Partager
Bluesky

Un projet de nouvel incinérateur inutile et polluant

Par arrêté du 27 septembre 2018, le Préfet de l’Aube a autorisé la société Valaubia, une filiale de Véolia, à exploiter une usine d’incinération d’ordures ménagères d’une capacité de 60 000 tonnes à La-Chapelle-Saint-Luc (près de Troyes). Le SDEDA (syndicat de traitement des déchets ménagers aubois, qui regroupe la totalité des 431 communes du département, environ 310 000 habitants), est maître d’ouvrage de l’usine ; il affirme depuis l’origine du projet que l’usine est vouée à traiter des ordures ménagères résiduelles, et que ce projet ne freinera pas sa politique de prévention des déchets.

Le recours introduit en 2019 par les associations souligne notamment que ce projet d’incinérateur méconnaît la hiérarchie des modes de traitement des déchets imposée par le code de l’environnement, qui met en avant la prévention prioritairement au traitement. Plusieurs autres arguments sont avancés à l’appui de la demande d’annulation de l’autorisation : une incomplétude du dossier d’étude d’impact, notamment en l’absence de définition du périmètre d’impact potentiel et d’analyse des dangers des réseaux de chaleur, et un surdimensionnement de la capacité de traitement de l’usine par rapport aux besoins en incinération du territoire.

En effet, la capacité d’incinération de l’usine (60 000 tonnes par an, dont 55 000 tonnes d’ordures ménagères et 5000 tonnes de déchets d’activités économiques), semble être calée sur une production de l’ordre de 180 kg d’ordures ménagères résiduelles (OMR) par habitant et par an. Ce nombre est encore très loin des possibilités de réduction des OMR déjà observées dans de nombreuses collectivités en France, notamment via la mise en place de solutions de tri à la source des biodéchets ainsi que d’une tarification incitative.

La commune de La Chapelle-Saint-Luc a également formé un recours pour obtenir l’annulation de l’autorisation ; en raison de leur objet commun, les deux requêtes sont jugées ensemble par le tribunal. La commune avance notamment l’argument de l’absence de dérogation “espèces protégées”, non demandée par le projet, dérogation pourtant obligatoire dans la mesure où le projet occasionne une destruction ou une mutilation de plusieurs espèces protégées, ainsi qu’une destruction, altération ou dégradation de leurs sites de reproduction et aires de repos.

Un maintien total du projet par le juge, malgré la reconnaissance d’un manquement à la réglementation environnementale

Par un jugement rendu le 11 février 2021, le tribunal rejette l’ensemble des arguments des associations et de la commune requérantes, excepté celui concernant l’absence de dérogation “espèces protégées”. Il reconnaît que cette dérogation doit être obtenue par le projet – qui en l’état est donc illégal – mais il décide de ne pas annuler l’autorisation, et de seulement suspendre sa décision finale à l’adoption par le Préfet d’un tel arrêté de dérogation. Le juge laisse ainsi un an à la société Valaubia pour obtenir cette dérogation, délai à l’issue duquel il rendra sa décision finale.

Le rejet de tous les autres moyens avancés par les requérantes est très sommaire. Notamment, concernant le manquement à la hiérarchie des modes de traitement des déchets, le juge considère que la construction d’un incinérateur est “étrangère  par  elle-même  au  régime  de  traitement  et  de  gestion des  déchets”, argument pour le moins contestable dans la mesure où l’incinération est un mode de traitement des déchets, de surcroît très peu flexible et freinant donc les politiques de prévention.

Cette décision du juge valide donc entièrement le principe du projet et sa réalisation, sans même suspendre son exécution le temps de l’année donnée à Valaubia pour obtenir une dérogation “espèces protégées”. Malgré son illégalité, l’exploitation du projet peut donc continuer.

Zero Waste France réaffirme son opposition à ce jugement, qui valide sans réserve le recours à l’incinération, en dépit de ses impacts environnementaux et sans considérer les besoins d’élimination de déchets du territoire concerné ni ses marges de progression en matière de prévention des déchets.

Actualités

à la une
24 octobre 2025

Taxe plastique : Surfrider et Zero Waste France appellent les députés à résister aux lobbies

Mercredi 22 octobre, la commission des finances de l’Assemblée nationale a voté en faveur de la suppression de la taxe plastique incluse dans le PLF 2026. Surfrider Foundation Europe et Zero Waste[...]

13 octobre 2025

Budget 2026 : l’enjeu d’une fiscalité incitative pour réduire les déchets enfouis et incinérés

Le budget 2026 doit acter la nouvelle trajectoire de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), qui s’applique sur chaque tonne de déchets enfouis ou incinérés. Zero Waste France insist[...]

10 octobre 2025

Face au désengagement de l’Etat, financer la transition écologique des territoires

Le projet de loi de finances 2026 met en évidence le désengagement de l’Etat vis-à-vis du financement de la transition écologique, notamment au niveau local. Les annonces concernant la baisse supp[...]

07 octobre 2025

Implantation de Shein en France : la distinction entre fast et ultra fast-fashion est un mirage

A la suite de l’annonce de l’implantation permanente de SHEIN dans 5 villes françaises, la Coalition “Stop Fast-Fashion” alerte : la tentative de la plateforme chinoise légitimer sa présence sur l[...]

30 septembre 2025

Incinération : la société civile appelle les pouvoirs publics à améliorer les connaissances sur la pollution aux PFAS

Le collectif 3R dévoilait récemment les résultats d'une étude analysant la présence de POPs dans les systèmes de filtration d'air d'écoles situées à proximité de l’incinérateur d’Ivry-Paris XIII. [...]

24 septembre 2025

Pollution de l’air : une étude pilote inédite met en évidence la présence de PFAS dans les filtres d’aération d’écoles situées à proximité de l’incinérateur de déchets d’Ivry-Paris-XIII

Six mois après avoir démontré l’existence d’une pollution majeure et récente aux dioxines et aux métaux lourds à proximité de l’incinérateur d’Ivry-Paris-XIII, le Collectif 3R, Zero Waste France e[...]

16 septembre 2025

“Non à la taxe Windows !” Une coalition de 22 organisations appelle au maintien des mises à jour de sécurité de Windows 10

Une coalition de 22 organisations lance ce 16 septembre une pétition qui interpelle Microsoft, exigeant le maintien des mises à jour non payantes de sécurité de Windows 10.

09 septembre 2025

Face à l’instabilité politique, l’urgence écologique n’attend pas

La chute du gouvernement Bayrou, le 8 septembre, et l’instabilité gouvernementale qu’elle engendre ont des conséquences directes sur l’application de mesures en faveur de la transition écologique.[...]

02 septembre 2025

Réduction des plastiques à usage unique : les ONG appellent le gouvernement à maintenir les acquis de la loi AGEC

Alors que le gouvernement envisage de revenir sur plusieurs dispositions de la loi AGEC, les ONG Zero Waste France, France Nature Environnement, les Amis de la Terre France, Surfrider Foundation E[...]

01 septembre 2025

Le retard pris dans le déploiement du tri à la source des biodéchets pèse toujours sur l’enfouissement

Placé en dernier recours dans la hiérarchie du traitement des déchets, l’enfouissement devrait se limiter aux déchets ultimes, non évitables ou valorisables. Pourtant, en 2025, 125 collectivités e[...]