Compost pollué issu du tri mécano-biologique : épandage illégal sur des terres agricoles en Charente-Maritime

Le 20 février 2021, les associations Pays Rochefortais Alert’ et Zero Waste Pays Rochefortais ont dénoncé la présence de compost fortement pollué, issu de l’incinérateur d’Echillais, sur un terrain agricole. Zero Waste France alerte sur cette grave infraction environnementale et réclame une réponse adéquate des pouvoirs publics.

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L’incinérateur d’Echillais, au coeur d’une action en justice de longue haleine

Le projet de construction d’une usine d’incinération et de tri mécano-biologique (TMB) sur la commune d’Échillais (Charente-Maritime), porté par le Syndicat intercommunautaire du littoral (SIL), a été autorisé par arrêté préfectoral le 15 octobre 2014. Un recours en justice contre cette autorisation a été formé par Zero Waste France avec les associations Pays Rochefortais Alert’ (PRA) et Nature Environnement 17, notamment sur le fondement de la loi de transition énergétique déclarant “non pertinente” la technologie du TMB.

Pour rappel, le TMB est la technologie consistant à trier le contenu mélangé des poubelles d’ordures ménagères, pour séparer les différents types de déchets qui s’y trouvent et notamment les déchets organiques. Il s’agit d’une technologie très coûteuse et néfaste du point de vue environnemental, le compost qui en ressort étant très pollué du fait d’avoir été en contact avec les autres déchets de la poubelle noire, et finissant bien souvent par être enfoui ou incinéré.

Après une victoire des associations requérantes devant la Cour administrative d’appel de Bordeaux en 2017, le SIL a formé un pourvoi devant le Conseil d’Etat. Ce dernier a annulé l’arrêt d’appel, considérant que la loi de transition énergétique n’était pas applicable aux installations de TMB autorisées préalablement à l’entrée en vigueur de la loi, et a renvoyé l’affaire devant la Cour administrative d’appel de Bordeaux, dont la décision n’a toujours pas été rendue.

Au cours de cette longue saga contentieuse, un nouvel arrêté d’autorisation a été délivré en 2018 par le Préfet pour contourner la première annulation prononcée par la Cour administrative d’appel, et l’usine a eu le temps d’être construite. Elle est donc actuellement en fonctionnement, tant comme incinérateur que comme usine de TMB, de laquelle ressort un compost nécessairement pollué puisque provenant d’ordures en mélange.

Un résidu de TMB très pollué, et interdit d’utilisation par l’arrêté préfectoral en vigueur

Deux arrêtés d’autorisation ne pouvant coexister pour une seule et même installation, les modalités actuellement applicables à l’usine sont celles du second arrêté préfectoral de 2018, qui (contrairement au premier arrêté) interdit formellement toute valorisation de la fraction organique des ordures ménagères produite, et la condamne à l’élimination en tant que déchet. C’est la raison pour laquelle le SIL prétend, au mépris du droit applicable, que le premier arrêté régit toujours l’installation…

Le compost issu du TMB qui a été retrouvé dispersé en février 2021 sur les terres agricoles était composé en partie de plastiques, ainsi que de verre et de métaux. Il s’agit donc d’une matière extrêmement polluée, et évidemment impropre à toute utilisation en agriculture.

Face à la dénonciation des associations locales, le SIL a fort heureusement ordonné l’enlèvement du compost et son enfouissement en tant que déchet, mais en prétendant que la seule raison de cet enlèvement était une non-conformité concernant la proportion de métaux et de verre, et en soutenant que la valorisation du compost issu du TMB demeurait autorisée. L’infraction ayant déjà bel et bien été commise, une plainte pénale a été déposée par l’association PRA.

Zero Waste France apporte tout son soutien à l’action des associations locales, et appelle les autorités publiques à la plus grande vigilance quant à ces pratiques illégales, ainsi qu’à la prise des sanctions administratives et pénales prévues au code de l’environnement.

Un exemple révélateur de la non-pertinence du TMB comme mode de tri des biodéchets

Depuis la loi de transition énergétique de 2015 et jusqu’en 2020, le TMB était qualifié de technologie “non pertinente” devant être évitée, amenant de nombreux débats sur le point de savoir s’il s’agissait ou non d’une interdiction.

La loi anti-gaspillage de février 2020 a clarifié le régime d’autorisation du TMB, en prévoyant que “l’autorisation de nouvelles installations de tri mécano-biologiques, de l’augmentation de capacités d’installations existantes ou de leur modification notable est conditionnée au respect, par les collectivités territoriales et établissements publics de coopération intercommunale, de la généralisation du tri à la source des biodéchets”.

Afin de préciser le cadre réglementaire applicable, sont actuellement en cours d’élaboration des textes d’application visant à préciser les conditions de généralisation du tri à la source des biodéchets, auxquelles seront désormais soumises les créations ou extensions de capacités de TMB des collectivités. Une collectivité n’ayant mis en place aucun tri à la source des biodéchets sur son territoire, ou à une échelle et avec des résultats trop insuffisants, ne pourra ainsi plus recourir au TMB.

La loi interdit également l’octroi d’aides publiques à ce type d’installations, ainsi que l’utilisation de la fraction fermentescible des déchets issus de ces installations dans la fabrication de compost à compter du 1er janvier 2027.

Cette évolution réglementaire est bienvenue, même si une interdiction pure et simple du TMB aurait été préférable – l’échéance de 2027 étant lointaine et impliquant une poursuite de la pollution des sols et des eaux d’ici-là. Le coup d’arrêt à l’utilisation de cette technologie est indispensable, au vu des coûts astronomiques qu’elle génère pour la collectivité et de son impact environnemental, ainsi que des dérives qu’elle peut emporter avec l’épandage de compost pollué, comme dans le cas d’Echillais, non sans impacts environnementaux et sanitaires.

Zero Waste France rappelle que le tri à la source des biodéchets, prioritairement via une collecte séparée organisée par la collectivité, doit impérativement être déployé pour répondre tant à l’obligation légale (fixée au 31 décembre 2023) qu’à l’urgence environnementale de réduction des ordures ménagères résiduelles.

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