Mon commerçant peut-il me servir dans mon contenant ?

Vous arrivez chez votre commerçant avec votre bocal et on vous explique que « non ce n’est pas possible, on n’a pas le droit de faire ça ». Nous vous expliquons ce que dit réellement la loi !

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Bluesky

Voir la mise à jour en fin d’article faisant suite à la loi anti-gaspillage du 10 février 2020, facilitant et clarifiant l’apport des contenants par les clients.

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Voilà une question qui nous a été adressée à de très nombreuses reprises par des consommateurs avertis. Il est vrai que pour se passer des emballages jetables, apporter ses propres contenants en magasin pour être servi à la coupe ou en vrac est une solution pertinente et efficace ! Mais les réactions des commerçants à cette pratique varient : si certains acceptent et encouragent cette démarche, d’autres refusent catégoriquement, invoquant la réglementation sanitaire.

Zero Waste France, notamment par l’intermédiaire de son juriste Thibault Turchet, sollicite de longue date les différents services locaux et nationaux de l’État pour obtenir une prise de position et clarifier la réglementation en la matière. Les positions de l’administration française évoluent puisqu’en octobre 2016, le Ministère de l’agriculture a réactualisé une de ses notes relative à l’hygiène des denrées dans les activités de commerce en détail (instruction DGAL/SDSSA/2017-164). Elle y fait état de recommandations à suivre.

Pour être au clair sur le sujet, voici un rapide point sur la réglementation en vigueur et les bonnes pratiques à adopter.

Que dit la réglementation ?

En réalité, cette pratique du quotidien s’inscrit dans un quasi vide juridique.

Souvent invoquée, la réglementation européenne ne l’interdit pas. Le règlement européen n°852/2004 du 29 avril 2004 relatif à l’hygiène des denrées alimentaires signale simplement que « à toutes les étapes de la production, de la transformation et de la distribution, les denrées alimentaires doivent être protégées contre toute contamination susceptible de les rendre impropres à la consommation humaine, dangereuses pour la santé ou contaminées […] ». En outre, selon ce règlement, « les matériaux constitutifs du conditionnement et de l’emballage ne doivent pas être une source de contamination ».

Le secteur du vrac y fait même une rapide incursion :

les conditionnements et emballages qui sont réutilisés pour les denrées alimentaires doivent être faciles à nettoyer et, le cas échéant, faciles à désinfecter

Des pratiques administratives et commerciales variées

D’un autre côté et selon les retours de terrain dont nous disposons, les administrations de contrôle sanitaire sont plus ou moins directives selon les Préfectures : certaines laissent toute marge de manœuvre aux commerçants, tandis que d’autres semblent considérer que cette pratique est déconseillée.

Enfin, il y a surtout dans la pratique les craintes des commerçants de voir engagée leur responsabilité en cas de contamination, puisque pèse sur eux, il est vrai, une « obligation de résultat » sur la fourniture d’une denrée saine à la consommation. En cas de problème, ils pourraient être tenus pour responsables (bien qu’aucune condamnation judiciaire sur ce terrain n’ait pour l’heure été recensée à notre connaissance).

En tous les cas, votre commerçant peut tout à fait refuser de vous servir, c’est un fait : il est dans son droit de fixer ses modalités de vente en vertu de la « liberté du commerce et de l’industrie » dont il bénéficie. A prendre ou à laisser !

Quelques conseils et bonnes pratiques

Pour rassurer clients et commerçants, il est pour l’heure conseillé de suivre une procédure claire et systématique tenant, pour les commerçants, à :

  1. Afficher en magasin que les clients peuvent venir avec leurs contenants
  2. Prévenir la clientèle qu’elle doit apporter des contenants propres et secs
  3. Informer que tout contenant individuel est systématiquement vérifié
  4. Informer que le service peut être refusé si le contenant n’est pas propre ou adapté.

Pour des raisons d’aptitude au contact alimentaire, il convient en effet de n’utiliser que des contenants usuels convenant pour les aliments (bocaux en verre, boîtes alimentaires, etc.). La mise en place d’un système de consigne des contenants géré par le commerçant peut être une bonne solution pour garantir cette conformité.

La position de l’administration française a été explicitée puisqu’en octobre 2016, le Ministère de l’agriculture a réactualisé une de ses notes relative à l’hygiène des denrées dans les activités de commerce en détail (instruction DGAL/SDSSA/2017-164). Certaines recommandations d’usage y sont portées sur le gourmet bag (marque déposée par le Ministère de l’agriculture), tout comme pour le service à emporter qui y apparaît clairement. L’accent doit être mis sur la bonne information des clients :

des recommandations doivent être délivrées au consommateur par le professionnel si le conditionnement s’avère manifestement inadapté (propreté du conditionnement, aptitude au contact alimentaire…)

Par cette actualisation, le Ministère explicite sa position, reconnaît cette pratique et l’encourage. Une évolution qui devrait peser auprès des administrations sanitaires régionales, et harmoniser les pratiques de contrôle de la part des services déconcentrés.

Certaines directions régionales assurent d’ailleurs une promotion intense du gourmet bag. Dans ses « 8 infos à retenir pour une bonne utilisation du gourmet bag« , la DRAAF Auvergne – Rhône-Alpes affirme depuis 2015 que « la responsabilité du professionnel s’arrête au moment où le repas est remis au consommateur« . L’analogie est donc très intéressante avec le vrac, d’autant plus que dans ce cas aussi, cette administration aborde le cas où les clients amènent leurs propres contenants : « si le restaurateur fournit les contenants, ceux-ci doivent être adaptés (aptitude au contact alimentaire, étanchéité…)« .

Plus récemment encore, c’est l’Ademe (Agence nationale de l’environnement et de la maitrise de l’énergie) qui encourage cette pratique dans un guide d’août 2018 (« manger mieux, gaspiller moins ») : « apportez vos propres contenants lors de vos achats (sacs, bouteilles, boîtes, bocaux…) : vos contenants sont pesés vides, puis pleins. Pensez-y aussi pour la vente à emporter ! »

Depuis mars 2019, l’enseigne Carrefour a décidé de généraliser l’acceptation des contenants alimentaires des clients aux rayons à vente assistée (fromagerie, charcuterie, etc.). Après une phase de test en 2018, elle lance l’acte 13 « réduire les emballages« , de son programme « Act for food« . Une démarche qui rassurera les commerces de proximité et espérons-le, entraînera les autres grandes enseignes dans son sillage.

La loi anti-gaspillage du 10 février 2020 clarifie les responsabilités et facilite cette pratique

Face à cette évolution rapide des pratiques des clients et des enseignes, la loi anti-gaspillage du 10 février 2020 est venue clarifier et faciliter, dans le marbre de la loi, l’usage de contenants réutilisables.

Désormais, « tout consommateur final peut demander à être servi dans un contenant apporté par ses soins, dans la mesure où ce dernier est visiblement propre et adapté à la nature du produit acheté. Un affichage en magasin informe le consommateur final sur les règles de nettoyage et d’aptitude des contenants réutilisables. Dans ce cas, le consommateur est responsable de l’hygiène et de l’aptitude du contenant. Le commerçant peut refuser le service si le contenant proposé est manifestement sale ou inadapté » (article L. 120-2 du code de la consommation).

S’agissant des boissons à emporter, les enseignes devront prévoir une ristourne puisque la loi dispose que «Les vendeurs de boissons à emporter adoptent une tarification plus basse lorsque la boisson est vendue dans un récipient réemployable présenté par le consommateur par rapport au prix demandé lorsque la boisson est servie dans un gobelet jetable. » (article L. 541-15-10 III du Code de l’environnement).

Et pour les consommateurs fréquentant les grandes surface qui n’auraient pas apporté leur contenant réutilisable, la loi prévoit que « les commerces de vente au détail disposant d’une surface de vente supérieure à 400m² s’assurent que des contenants réutilisables propres, se substituant aux emballages à usage unique, sont mis à la disposition du consommateur final, à titre gratuit ou onéreux, dans le cadre de la vente de produits présentés sans emballage » (article L112-9 du Code de la consommation).

Voilà qui devrait pour de bon clarifier et faciliter les pratiques d’achat en vrac !

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