Du champ à la poubelle: le gaspillage alimentaire pèse lourd sur le climat

Près d'un tiers de la production alimentaire mondiale est gaspillée chaque année. Petite mise au point sur les émissions de gaz à effet de serre induites par ce gaspillage.

Partager

Un gaspillage à tous les étages

D’après la FAO [1], un tiers de tous les aliments produits pour la consommation humaine est soit gaspillé soit jeté. Cela représente 1,3 milliards de tonnes de “déchets” par an.

En 2011, en Europe et en Amérique du Nord, les pertes alimentaires étaient de 280 à 300 kg par habitant. Du champ, où les légumes non calibrés ou abîmés sont abandonnés, à l’assiette non finie du consommateur, en passant par les déchets de transformation de l’industrie agro-alimentaire et les invendus de la grande distribution, ce gaspillage intervient à toutes les étapes de la chaîne alimentaire. Si l’on impute au consommateur la responsabilité du tiers de ce gaspillage, plus de 60% de ce gâchis incombe à l’industrie agricole, agro-alimentaire et à la distribution.

Qui représente aussi des gaz à effet de serre évitables

Un bilan climatique différent selon le type d’aliment

Une étude américaine [2] montre qu’environ 42% des gaz à effet de serre produits aux États-Unis proviennent de la production, de la transformation et du transport des produits alimentaires. Si on estime qu’un tiers de ces produits ne seront pas consommés, cela représente 14% d’émissions qui auraient pu être évitées, rien que pour la phase de production et de distribution. L’impact climatique de ce gaspillage n’est cependant pas le même pour tous les aliments. Les aliments d’origine animale sont beaucoup plus émetteurs de gaz à effet de serre. La production d’un kilo de protéines de bœuf, par exemple, émet environ 30 fois plus de CO2 que celle d’un kilo de protéines de lentilles [3]. Le gaspillage alimentaire de produits animaux pèse donc beaucoup plus lourd dans ce bilan.

Et alourdi par le transport et le traitement des déchets

Il faut ensuite ajouter à cela les émissions de gaz à effet de serre liées à la gestion de ces déchets alimentaires (ou biodéchets). Il y a d’abord leur collecte et leur transport. S’il existe encore peu de données sur le bilan de la filière de collecte et de traitement des biodéchets de l’agroalimentaire et de la grande distribution, nous disposons de quelques éléments d’analyses pour les déchets des ménages. La collecte en porte-à-porte des déchets ménagers et assimilés représente en France environ 530 000 tonnes eq CO2chaque année [4].

En France, ces déchets alimentaires sont encore majoritairement enfouis ou incinérés et sont notamment responsables de 19% des émissions de méthane [5] (principalement lorsqu’ils sont mis en décharge), un gaz avec un pouvoir de réchauffement climatique 23 fois plus élevé que le CO2. En incinération, ces déchets principalement composés d’eau déséquilibrent le bilan énergétique de la combustion et sont responsables d’émissions de CO2 dites “biogéniques” [6] qui ne sont pas comptabilisées dans les bilans d’émissions de gaz à effet de serre, mais qui ont pourtant le même effet sur le climat.
Globalement, selon le WRAP [7], chaque tonne de nourriture jetée serait responsable de 4,5 tonnes de CO2.

Au-delà d’une forte dimension éthique et sociale, ce sont donc également des enjeux climatiques qui se jouent dans la réduction du gaspillage alimentaire à toutes les étapes de la chaîne. La France a adopté un plan gaspillage alimentaire en 2013, qui prévoit sa réduction de moitié à horizon 2022. Suppression de la DLUO, obligation de vente de produits hors calibre à prix réduit, allégement de l’obligation de traçabilité pour que les produits laissés dans les champs puissent être récupérés, etc. : au-delà des objectifs et des incitations, ce sont des mesures concrètes et ambitieuses qui doivent être adoptées.


[1] FAO, Food wastage footprint impacts on natural ressources, 2013
[2] United States Environmental Protection Agency (EPA), Opportunities to reduce greenhouse gas emissions through materials and land management practices, Septembre 2009
[3] Environmental working groupe, Meat eater’s guide, 2013
[4] FNADE, Le secteur des déchets et son rôle dans la lutte contre le changement climatique, octobre 2008
[5] CITEPA, Inventaire des émissions de polluants atmosphériques et de gaz à effet de serre en France, Avril 2013
[6] C’est-à-dire dont l’atome de carbone est d’origine naturelle.
[7] WRAP, The food we waste, A study of the amount, types and nature of the food we throw away in UK households, Juillet 2008

Actualités

04 septembre 2023

Tri à la source des biodéchets : stop aux confusions !

A l’approche de l’obligation de tri à la source des biodéchets, on lit tout et son contraire dans la presse : les citoyen·nes devraient obligatoirement faire leur compost chez eux, s’équiper de po[...]

31 août 2023

Planification écologique : ce qu’il faut faire pour que l’économie passe de linéaire à circulaire

Le gouvernement a engagé un travail de planification écologique dont le volet consacré à l’économie circulaire commence à se dessiner. Ses orientations constitueront la base de la prochaine straté[...]

à la une
26 juillet 2023

Qu’attendre du futur règlement européen sur les emballages ?

Le règlement européen sur les emballages en discussion au niveau européen représente une opportunité majeure pour la transition des systèmes d'emballage, à un moment où il est crucial de réduire d[...]

26 juin 2023

Biodéchets : définir clairement les conditions de leur tri à la source

Les déchets organiques représentent encore un tiers de nos poubelles résiduelles. Levier majeur pour réduire à la source nos déchets, leur tri à la source deviendra obligatoire au 31 décembre 2023[...]

23 juin 2023

Projet de loi Industrie verte : et l’économie circulaire ?

Le Sénat examinait cette semaine le projet de loi sur l’industrie verte, avant l’Assemblée nationale en juillet. Ce texte sera-t-il à la hauteur des enjeux pour réduire les déchets produits par l’[...]

07 juin 2023

La face cachée de l’industrie du plastique

Peu connue du grand public, l’industrie du plastique aiguise aujourd'hui l’appétit des géants pétroliers et gaziers qui y multiplient les investissements. De l’extraction de matières premières à l[...]

02 juin 2023

Consigne pour recyclage : fausse bonne idée pour réduire la production de plastique ?

Une concertation est organisée jusqu’en juin 2023 par le ministère de la transition écologique à propos de la mise en place d’un système national de consigne. Zero Waste France alerte sur les risq[...]

01 juin 2023

Pollution plastique : stop au colonialisme des déchets !

Alors que la France accueille les négociations internationales visant à mettre fin à la pollution plastique, Zero Waste France rappelle que le pays produit deux fois plus de déchets que la moyenne[...]

31 mai 2023

Traité sur la pollution plastique : revue de presse

Ce lundi 29 mai 2023 s'est ouverte à Paris la deuxième session de négociations internationales visant à mettre fin à la pollution plastique. En lien avec ses partenaires associatifs, l'équipe de Z[...]

24 mai 2023

Revoir le système des REP, un enjeu pour la réduction des déchets plastiques

A l’occasion des négociations pour un traité mondial sur le plastique, nombreuses sont les voix qui s’élèvent pour promouvoir le modèle français de Responsabilité élargie des producteurs (REP) à l[...]