Le projet de loi de finances pour 2018 fait l’impasse sur la fiscalité déchets

Le zéro déchet se démocratise et de plus en plus de citoyens cherchent à changer leurs habitudes pour produire moins de déchets au quotidien. Cependant, les politiques publiques ou les choix des entreprises ne semblent pas toujours suivre la même tendance.

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Parmi les raisons qui expliquent cette situation : la fiscalité. En France, elle reste faiblement incitative et n’encourage donc pas les acteurs à privilégier la réduction des déchets et le recyclage plutôt que l’élimination. Au programme du candidat Emmanuel Macron, la réforme de la fiscalité déchets aurait du figurer dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) présenté ce mercredi en conseil des ministres. Il n’en est rien et on peut donc avoir de sérieuses inquiétudes sur la possibilité d’avoir rapidement une fiscalité qui encourage les démarches zéro déchet !

Des objectifs ambitieux qui peinent à se réaliser

La loi de transition énergétique pour la croissance verte votée en août 2015 et les décrets qui en sont issus fixent un cap ambitieux en matière de gestion des déchets. Depuis le 1er juillet 2016 par exemple, la grande majorité des entreprises sont tenues de trier les déchets recyclables (métaux, verres, papiers, plastiques et bois). Même chose du côté des déchets organiques où la loi prévoit que les gros producteurs (les restaurants, cantines collectives, supermarchés, etc.) trient et valorisent séparément leurs biodéchets depuis le 1er janvier 2016. Ce tri devra ensuite être généralisé à tous les citoyens d’ici 2025. Si toutes ces dispositions étaient appliquées, cela entraînerait une baisse drastique des quantités de déchets que nous envoyons actuellement vers les décharges ou les incinérateurs.

Dans la réalité cependant, nous sommes encore loin du compte. Très peu d’acteurs respectent aujourd’hui les nouvelles obligations de tri qui s’imposent depuis 2016 et les objectifs de la loi de transition énergétique (55% de taux de recyclage en 2020 et 65% en 2025) apparaissent difficiles à atteindre. Au delà des réglementations et de la volonté citoyenne, un ingrédient manque en effet à l’appel : une fiscalité incitative.

Une fiscalité déchets insuffisante

En France, les incinérateurs et les décharges sont pourtant soumis à une “TGAP” (taxe générale sur les activités polluantes) qui s’impose aux installations de traitement de déchets considérées comme polluantes et vise à renchérir leur coût pour les producteurs de déchets. Cependant, les niveaux de cette taxe sont aujourd’hui insuffisants pour réellement orienter les choix des collectivités et des entreprises vers le recyclage ou la prévention. Ainsi, en 2013, les producteurs de déchets payaient en moyenne 4€/tonne pour des déchets envoyés à l’incinérateur et 16€/tonne pour des déchets enfouis en décharge. Pas de quoi rendre le recyclage (et les coûts associés au tri et à la collecte) plus intéressant pour des acteurs privés par exemple.

Dans une récente étude sur la taxation de la mise en décharge en Europe, l’ADEME soulignait ainsi que les pays qui enfouissent le moins leurs déchets (en dessous de 25% de déchets enfouis) sont les pays dans lesquels le coût de la mise en décharge (auquel les taxes participent) est la plus chère. Avant de conclure qu’en France, cette taxe était trop basse pour espérer atteindre les objectifs réglementaires.

Une réforme de la TGAP pour 2018 ?

Fort de ce constat, la hausse de la TGAP sur les activités de traitement de déchets apparaissait dans de nombreux programmes des candidats à la présidentielle, dont celui d’Emmanuel Macron. Les réformes fiscales étant intégrées aux lois de finance, celle-ci aurait du être introduite dans le projet de loi de finances pour 2018, présentée le 27 septembre en Conseil des Ministres. Malheureusement, cette réforme attendue ne figure pas dans le projet du gouvernement.

Convaincus que l’économie circulaire passera aussi par une fiscalité écologique, Zero Waste France agira auprès des parlementaires pour rappeler le gouvernement à ses engagements sur ce sujet et obtenir une réforme dès cette année lors de l’examen du PLF à l’Assemblée.

Une bonne manière de donner de la visibilité aux producteurs de déchets tout en envoyant  un message claire : nous ne traiterons plus nos déchets demain comme nous le faisions hier. L’heure est à la réduction et au recyclage !

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