Traité plastique : les ONG appellent à poursuivre les négociations sur des bases solides

Alors que la session devait se conclure le 14 août, un nouveau texte a été présenté par le président des négociations vers 2h du matin le 15 août. Déjà, l’avant-veille, une version affaiblie avait suscité la consternation de nombreuses délégations ainsi que des ONG qui plaident pour un traité ambitieux.

Ce dernier texte n’apporte que des améliorations marginales, repose largement sur des engagements volontaires et ne répond pas au mandat fixé par les Nations Unies en 2022.

Malgré quelques améliorations, le texte est encore trop faible

Ce texte est le résultat d’un processus jugé non transparent et non démocratique, où quelques États producteurs de pétrole et de plastique ont bloqué l’ambition collective, sapant le multilatéralisme. Malgré des éléments réintroduits – comme la mention de certains produits problématiques ou l’éco-conception – le langage reste trop faible pour répondre à l’urgence de la crise. :

  • Pas de contrôle sur la production de plastique, ni d’objectifs chiffrés de réduction.
  • Le texte repose essentiellement sur des actions volontaires des pays
  • Aucune restriction claire sur les produits dangereux ou les additifs chimiques.
  • Absence de mesures robustes de traçabilité.
  • Langage imprécis et non contraignant : la plupart des dispositions commencent par « peuvent » au lieu de « doivent ».
  • Aucune mention des systèmes de réemploi sans substances toxiques en dépit du soutien constant à leur inclusion, exprimé par de nombreux pays du Sud global tout au long des négociations.

Pour les ONG Surfrider Foundation Europe, Zero Waste France, WECF, et EJF, mieux vaut clore cette session sans traité plutôt qu’avec un traité au rabais, incapable de protéger efficacement les populations et les écosystèmes.

Un échec qui interroge l’avenir des négociations

Le monde, et notamment les pays les plus vulnérables comme les États insulaires (SIDS), en première ligne face à la pollution plastique et au changement climatique, attendaient de cet ultime round de négociations à Genève un signal fort. Cette absence d’accord relance la question du processus de négociation lui-même, alors que plus de 232 lobbyistes de l’industrie étaient présents à Genève pour influencer les débats.

Les ONG rappellent que leur présence n’a jamais eu pour but un simple exercice diplomatique : leur but est d’obtenir un traité ambitieux et juridiquement contraignant.

Elles appellent les gouvernements à ne pas céder à la facilité d’un compromis faible, mais à reprendre les négociations sur des bases solides, à la hauteur de l’urgence planétaire. Ces négociations interviendront à une date ultérieure et qui reste à préciser comme l’a indiqué le président des négociations à la fin de la dernière plénière qui s’est achevée ce 15 août vers 9h20.

Les réactions des ONG

Déclaration de Lisa Pastor, chargée de plaidoyer pour Surfrider Foundation Europe :
“Le monde attendait de Genève un leadership fort, espérant un traité sur le plastique capable de mettre réellement fin à la crise mondiale de la pollution. Au lieu de cela, un texte discrètement publié au milieu de la nuit n’offre guère plus que des promesses volontaires déguisées en progrès. Les légères modifications depuis la dernière version peuvent donner l’illusion d’une avancée, mais la réalité est celle d’un texte faible appelant à des mesures nationales, sans possibilité de le renforcer avec le temps. La pollution plastique ne connaît pas de frontières ; elle exige une action collective et contraignante, non des concessions au plus petit dénominateur commun. Ce processus n’a pas rempli son mandat, et le résultat sert les intérêts des lobbies industriels et de quelques pays bloquants, plutôt que la majorité des pays prêts à adopter un traité ambitieux. Cette dernière session nous montre une chose : les règles du jeu doivent changer”.

Déclaration de Manon Richert, responsable communication de Zero Waste France :
“Nous regrettons que le processus, non transparent et non démocratique, mis en place dans le cadre de l’INC 5.2, n’ait pas permis d’aboutir à un traité contraignant, visant à lutter contre la pollution plastique à chaque étape du cycle de vie. Bien que minoritaires, les États pétroliers et les lobbies des énergies fossiles et de la pétrochimie ont réussi à tirer le texte vers le bas. La poursuite des discussions doit impérativement se faire dans un cadre qui permette de mieux prendre en compte les pays favorables à un texte basé sur la science et les besoins des populations en première ligne. Ces pays sont désormais majoritaires : il faut à cet égard rendre hommage au travail réalisé depuis plus de 2 ans par les associations et les scientifiques pour porter à la connaissance des décideurs et du public les impacts du plastique sur la santé et l’environnement. Nous saluons en outre les efforts diplomatiques menés par la France : nous appelons le gouvernement à poursuivre ces efforts aux niveaux international et européen et à traduire cet engagement en actions concrètes sur le territoire national.”

Déclaration de Sylvie Platel, responsable du pôle plaidoyer Santé Environnement&Genre WECF :
“Le texte proposé dans des conditions discutables est largement insuffisant. Il ne résoudra pas  la crise plastique dramatique que nous vivons, qui pose des risques sanitaires alarmants et demandent des actions immédiates.  Les éléments clés que constituent les contrôles des produits et substances chimiques, de la production, et l’impact de la pollution plastique sur la santé sont entièrement volontaires soit inexistants. Il est aussi nécessaire de s’attaquer au fardeau disproportionné qui pèse sur les groupes marginalisés en particulier les femmes, les filles dont la santé et les moyens de subsistances et les droits sont trop souvent négligés.”

Déclaration de Steve Trent, directeur général et fondateur d’Environmental Justice Foundation (EJF) 

“L’INC-5.2 a été ajournée sans traité ni orientation claire pour la suite, paralysé par des acteurs de mauvaise foi et des projets de texte faibles de la part de la présidence, qui n’ont guère permis de faire progresser les travaux antérieurs. Il apparaît de plus en plus clairement que la recherche du consensus n’est pas adaptée : nous devons œuvrer à une solution plus efficace. Nous saluons les pays les plus ambitieux pour avoir refusé de se contenter d’un accord vide de sens, et les appelons à agir rapidement pour tracer une nouvelle voie, au service des populations et de la planète.”