Retour sur la table ronde “Sport et zéro déchet : carton rouge ou pari gagnant” ?

Les acteurs·rices de cette table ronde

Nous avons convié trois acteurs·rices qui agissent à des échelles différentes pour développer le modèle zéro déchet dans le sport. Aline Gubri, conférencière en transition environnementale, auteure et consultante, incite à passer à l’action et à changer nos pratiques à l’échelle individuelle grâce notamment aux réseaux sociaux. Benjamin de Molliens, conférencier et éco-aventurier a lui lancé le projet “Expédition Zéro” pour faire des aventures sportives et itinérantes mêlant défis sportifs et messages de sensibilisation aux enjeux environnementaux, le tout en mode zéro déchet. Enfin, Justine Birot, responsable transition écologique de l’Ecotrail Paris a eu l’opportunité d’intégrer des actions zéro déchet dans les événements sportifs.

De l’action individuelle à l’action collective : une étape cruciale à franchir

Pour pratiquer un sport, on a forcément besoin d’équipement. Cet acte d’achat est donc synonyme de consommation de ressources pour fabriquer vêtements, chaussures ou encore accessoires. A titre d’exemple, les chaussures de sport produisent l’équivalent de 21 kg de plastique et de fibres synthétiques [1]. Mais il existe des alternatives pour éviter le neuf. On peut favoriser l’achat de seconde main (en achetant notamment en ressoucerie), emprunter ou encore louer. Zero Waste France, dans sa contribution au cahier des charges de la filière REP textile en 2022 adressée au Ministère, propose la mise en place d’un objectif de réutilisation de 65 % minimum des tonnages collectés chaque année pour la filière REP des textiles, chaussures et linge de maison (TLC) tandis qu’il est actuellement fixé à seulement 20 % minimum d’ici 2025.

Cependant, il est crucial que les actions ne s’effectuent pas qu’à l’échelle individuelle. En effet, il faut un changement de modèle dans l’organisation d’évènements pour aller vers une réduction massive des impacts des différentes pratiques sportives. Les collectivités ont également un rôle central à jouer dans la transition écologique du secteur sportif : elles doivent proposer un accompagnement des clubs à l’adaptation de leurs pratiques et soutenir  les initiatives de réemploi d’équipements sportifs ou encore le prêt de matériel.

Les évènements sportifs, un modèle à repenser

Bien que les évènements sportifs soient synonymes de moments de bonheur et de partage, teintés de dépassement de soi, ils sont aussi fortement générateurs de déchets. De nombreux événements sportifs organisés en France sont sponsorisés par des marques qui utilisent cette vitrine pour redorer leur image, alors qu’elles gaspillent des ressources naturelles et produisent beaucoup trop de déchets. Une étude a révélé que plus de 250 contrats de sponsoring ont été passés entre plusieurs entreprises, notamment celles qui investissent dans les énergies fossiles, et des grands clubs et organisations dans plusieurs sports à l’échelle mondiale [2].

La nécessité de faire évoluer les modèles de sponsoring a été au cœur du débat de la table-ronde. Les acteurs·rices du domaine du sport devraient pouvoir davantage négocier des partenariats avec des entreprises plus vertueuses pour intégrer la démarche zéro-déchet.

L’Ecotrail de Paris, un exemple à suivre

Repenser les évènements sportifs pour qu’ils aient moins d’impact : c’est le pari de l’Ecotrail Paris. Pas de distribution de bouteilles en plastique, de gobelets en plastique, de médailles ou encore de tee-shirts. Les organisateurs ont également préféré privilégier des points de ravitaillement en vrac en eau et un travail avec un fournisseur en alimentation bio et locale sans que cela augmente les coûts. À la clé, des bières locales, des confitures, des produits locaux pour les gagnants.

Pour l’organisation d’évènements sportifs zéro-déchet, Zero Waste France met à disposition des organisateurs, professionnels comme amateurs, un guide en 12 actions afin de leur donner les clés de réussite.

Le sport, un levier pour rassembler les publics autour des pratiques zéro-déchet

Avec 60 % des 15 ans ou plus qui pratiquent une activité sportive au moins une fois par semaine (INJEP), le sport est particulièrement mobilisateur, et donc un immense levier de sensibilisation à la réduction des déchets et du gaspillage. Utiliser l’image positive du sport pour embarquer le grand public vers des pratiques plus vertueuses en utilisant les émotions, c’est le pari des intervenant·es.

Les calendriers sportifs vont également devoir s’adapter avec le dérèglement climatique. Un nouveau rapport du WWF France prévoit en France, 24 jours de pratique en moins par an dans un monde à +2°C, et jusqu’à 2 mois dans un monde à +4°C. Tandis que les hausses des températures représentent un sérieux danger pour la santé des sportifs, la montée des eaux devrait, d’ici 2050, inonder près d’un quart des stades de la ligue anglaise de football (ONU).

Des évolutions réglementaires encore trop timides au regard des enjeux environnementaux

Ces échanges auront également été l’occasion de rappeler quelques avancées réglementaires qui contraignent les organisateurs d’événements comme l’obligation au 1er septembre 2024 de ne pas recourir à des emballages en plastique à usage unique aux points de ravitaillements. Mais également d’aborder les mesures adoptées pour les Jeux Olympiques 2024. En effet, des obligations ont été imposées comme la réduction de moitié des plastiques à usage unique, l’absence de plastique à usage unique pour les repas des athlètes et équipes, l’utilisation de gourdes sur tous les sites olympiques et l’installation de fontaines “Eau de Paris”. 

Cependant, au-delà de ces échanges, il est important de rappeler que même si ces actions vont dans le bon sens, elles sont insuffisantes au regard des changements à effectuer pour répondre aux défis de l’urgence environnementale. Zero Waste France appelle ainsi tous les acteurs de l’événementiel sportif, clubs, fédérations, collectivités, organisateurs d’événements, à redoubler d’efforts, ne serait-ce que sur la suppression d’usage unique lors d’événements, car c’est possible et faisable.

[1] ADEME, « Modélisation et évaluation des impacts environnementaux de produits de consommation et biens d’équipement », 2018.

[2] Franceinfo Sport, « De la Coupe du monde de rugby aux Jeux olympiques, quand les entreprises polluantes profitent du sport pour laver leur image », 2023.