Traité plastique : les associations appellent la France à maintenir son leadership pour une réduction drastique de la production
A cette occasion, les associations enjoignent le gouvernement français à maintenir son leadership diplomatique en faveur d’un texte ambitieux et contraignant, mais aussi à agir rapidement au niveau national pour concrétiser la sortie du plastique à usage unique en 2040, prévue par la loi AGEC.
Un rendez-vous international décisif pour mettre fin à la pollution plastique
Du 25 novembre au 1er décembre 2024, les représentant·es de 170 Etats se réuniront à Busan (Corée du Sud), afin de finaliser les travaux engagés selon le mandat fixé par la résolution 5/14 de l’Assemblée des Nations unies pour l’environnement (UNEA-5), visant à mettre un terme à la pollution plastique et à élaborer un accord international juridiquement contraignant d’ici fin 2024 [1].
“Cette nouvelle, et a priori dernière, session de négociations intervient après quatre sessions marquées par des divergences fortes et la mauvaise foi de certains acteurs”, commente Muriel Papin, déléguée générale de No Plastic In My Sea. “A Busan, le principal enjeu sera de parvenir à un texte ambitieux et juste, c’est-à dire : qui couvre l’ensemble du cycle de vie des plastiques, conformément au mandat initial ; qui garantit une application effective à travers des dispositions contraignantes, un système de reporting harmonisé et des financements adéquats ; et qui prévoit des mesures pour les relations avec les pays non signataires. Nous comptons sur la France pour saisir pleinement ce rendez-vous décisif et défendre une réduction de la production plastique alignée sur l’Accord de Paris, de 75% d’ici 2050 [2]”.
Dans cette perspective, les dernières déclarations de la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, semblent montrer un engagement fort de la France en faveur d’une réduction de la production et de l’utilisation de plastique vierge dans le monde [3].
Notre campagneAu niveau national, l’urgente nécessité de poser les jalons de la sortie du plastique à usage unique en 2040
Venant contredire ces prises de position et l’engagement de sortie du plastique à usage en 2040, au niveau national, plusieurs décisions récentes viennent au contraire soutenir une continuité dans l’utilisation de plastique. Ainsi, le projet de recyclage chimique du plastique Eastman en Normandie a été qualifié par le gouvernement “d’intérêt national majeur”, ce qui permet à l’entreprise de déroger plus facilement à la réglementation sur les espèces protégées [4]. En outre, de récentes déclarations et avis de l’exécutif semblent indiquer un souhait de reporter l’interdiction des emballages à usage unique en polystyrène non recyclables de 2025 à 2030 [5]. Dans le même temps, la consigne pour réemploi des emballages commence à se développer, avec la mise en place en 2025 d’une expérimentation dans quatre régions [6].
“Il y a un manque de volonté politique pour s’attaquer de front aux causes profondes de la pollution plastique, qui sont ancrées dans nos modes de production et de consommation”, analyse Pauline Debrabandere, responsable plaidoyer et campagnes de Zero Waste France. “Il faut des mesures de réduction et d’interdiction fortes, des contrôles et des sanctions, mais aussi généraliser les alternatives, comme le réemploi des emballages, à l’ensemble du territoire : cela demande de tenir tête aux industriels, et de mettre en place un vrai pilotage gouvernemental, avec des budgets dédiés plus conséquents que ceux alloués actuellement”.
Aller au-delà du droit européen
Pour justifier notamment son souhait de reporter l’interdiction du polystyrène, le gouvernement français se retranche derrière un supposé “risque de contrariété avec le droit européen”. Or, les textes européens, et notamment le règlement sur les emballages et déchets d’emballages (PPWR), donnent une certaine marge de manœuvre aux Etats membres pour adopter et appliquer des lois mieux-disantes sur leur territoire [7].
“Le recyclage et le report sur d’autres matériaux ne suffiront pas à régler le problème de la pollution plastique”, avertit Lucie Padovani, chargée de plaidoyer de Surfrider Foundation. “Contre les sirènes des industriels, il faut maintenir notre cap : réduire la production pour respecter les limites planétaires. La France doit faire sa part en continuant à défendre des textes ambitieux à Bruxelles et en allant au-delà de la simple application de la réglementation européenne”.
En ce sens, une proposition de loi déposée le 30 octobre 2024 par la sénatrice écologiste de Paris Antoinette Guhl [8] accélère et renforce l’interdiction des petits emballages dans l’hôtellerie-restauration contenue dans le PPWR, en avançant son entrée en vigueur de 2030 à 2026 et en étendant son champ d’application à d’autres formats et matériaux.
Télécharger les demandes des ONGChiffres clés
- 19% : part des émissions de gaz à effet de serre mondiales attribuables au plastique en 2040, si rien n’est fait d’ici là pour enrayer sa production [9]
- 736 millions de tonnes : quantité de plastique produite en 2040, au rythme actuel de production [10]
- 16 000 : nombre d’additifs chimiques identifiés dans les plastiques. Plus du quart (4200) sont évalués hautement toxiques. 77% de ces additifs hautement toxiques ne sont pas réglementés [11].
- 73 % : taux de croissance du marché de l’eau embouteillée dans la décennie 2010-2020 [12]
- 97 millions d’euros : financements publics accordés par l’ADEME et la Région Normandie au projet de recyclage chimique Eastman [13]
- 3 à 4% : taux de recyclage des emballages en polystyrène ménagers [14]
- 3,3 % : augmentation des tonnages d’emballages en plastique à usage unique mis sur le marché français (ménagers et professionnels) entre 2018 et 2021, à contre-courant de l’objectif de réduction réglementaire (20 % d’ici 2025) [15]
- 60% : pourcentage d’établissements recevant du public (ERP) qui ne respectent pas l’obligation d’équipement en fontaines à eau, selon No Plastic In My Sea.
- 1,2 millions de tonnes : volume d’emballages en plastique à usage unique utilisés en France chaque année [16]
- 1,5 milliard d’euros : le montant payé par la France à l’Union européenne au titre de la “taxe plastique”, qui pénalise le non-recyclage des emballages plastiques [17]
Sources
[1] Résolution 5/14 de l’Assemblée des Nations unies pour l’environnement (UNEA-5), 7 mars 2022
[2] Réduction de 75% par rapport à 2020 – source : New report calls for at least 75% reduction of plastics by 2050, reveals dire connection between plastic and climate, Pacific Environment, mai 2023
[3] Le traité mondial contre la pollution plastique en danger?, Le Devoir avec AFP, 31 octobre 2024
[4] Loi Industrie Verte : Notre Affaire à Tous et Zero Waste France demandent l’annulation des décrets, 9 septembre 2024
[5] Avis relatif à l’interdiction des emballages constitués pour tout ou partie de polymères ou de copolymères styréniques, non recyclables et dans l’incapacité d’intégrer une filière de recyclage – Légifrance, 28 septembre 2024
[6] Ce que l’on sait du retour en 2025 de la consigne en verre en Bretagne, Normandie, Pays de la Loire et Hauts-de-France, France Bleu, 22 août 2024
[7] Regulation on packaging and packaging waste, 15 mars 2024
[8] Réduire le plastique à usage unique dès 2026 – Sénat, 30 octobre 2024
[9] A New Plastics Economy is Needed to Protect the Climate | UNFCCC, 6 mars 2024
[10] Policy Scenarios for Eliminating Plastic Pollution by 2040 | OECD, 2 octobre 2024
[11] State of the science on plastic chemicals – Identifying and addressing chemicals and polymers of concern, PlastChem, 14 mars 2024
[12] Global Bottled Water Industry: A Review of Impacts and Trends, 2023
[13] Chimie: l’américain Eastman choisit la Normandie, Le Figaro, 30 mars 2022
[14] Réduction de l’impact environnemental du plastique : engagement des acteurs de la filière polystyrène, 17 mai 2022
[15] Mission d’évaluation de l’impact de la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire – Assemblée nationale, 29 mai 2024
[16] Emballages en plastique à usage unique : que signifie la « stratégie 3R » ? – notre-environnement, 1er juillet 2022
[17] Taxe plastique : la France doit payer 1,5 milliard d’euros à l’Europe, et ce n’est pas la première fois, Novethic, 14 août 2024